Dans le cadre du projet #weavingnetworks avec la documenta fifteen, nous présentons la salle de lecture du Sa Sa Art Projects à Phnom Penh, au Cambodge.
Depuis sa création en 2011, Sa Sa Arts Project développe une bibliothèque d’art et une salle de lecture, avec une attention particulière pour l’art contemporain et les cultures de la scène artistique cambodgienne et de la région plus large de l’Asie du Sud-Est. Situé au sein d’une maison d’architecture khmère des années 1990, cet ancien complexe a été transformé en shophouse [1]afin de devenir un lieu de rencontre et une pépinière pour une nouvelle génération d’artistes souhaitant remettre en question l’éducation artistique officielle et se réapproprier des modèles de production artistique locaux et indépendants. La bibliothèque Sa Sa a la particularité de concevoir ses propres livrets d’exposition avec le souci de produire un contenu accessible à la fois en anglais et en khmer.
« Le Cambodge est un pays dans lequel les rares collections des bibliothèques publiques restent très limitées et où la culture de la lecture est encore en voie de rétablissement, en partie à cause de l’époque des Khmers rouges et des régimes qui ont suivi. Nous pensons que l’accès à la connaissance et aux archives sous forme imprimée est essentiel pour soutenir les artistes et la culture. » (Sa Sa – Lyno Vuth)
La bibliothèque compte 200 livres ; elle s’est constituée au fil du temps grâce à des dons, des achats et des initiatives d’autoédition. À l’instar du collectif d’artistes qui inscrit sa pratique dans la constitution d’un savoir collectif, la bibliothèque s’intéresse au tissu social cambodgien tout en étant connectée aux écosystèmes artistiques de la région du Sud-Est. Les étagères accueillent une importante collection de revues et de livres d’art contemporain de Chine, du Japon, de Taïwan, d’Indonésie, de Thaïlande et du Vietnam. La salle de lecture propose également de rares archives photographiques sur la communauté dynamique d’artistes et d’événements du quartier, de 2000 à aujourd’hui, ainsi que des livres d’architecture, des microéditions et des études rares en cambodgien sur l’évolution des arts contemporains au Cambodge. L’espace accueille aussi des rencontres dédiées à la lecture ou l’écoute avec des universitaires, permettant une transposition didactique vivante des contenus académiques liés aux archives vers des publics plus larges.
La plupart des sources que nous trouvons ici sont en français et d’autres langues étrangères, il y a peu de sources en khmer à consulter et sur lesquelles travailler. Par exemple, dans le domaine de l’archéologie au Cambodge, la plupart des références sont rédigées en français en raison de l’époque coloniale et de l’influence des spécialistes de l’étranger, qui représentent les principales organisations encore actives dans le domaine de l’archéologie et de l’histoire de l’art au Cambodge. (Ly SokVichea – étudiante en architecture et photographe).
LA SÉLECTION :
1. Vuth Lyno & Sa Sa Art Projects, Playing Archive, 2015
Ce livret fabriqué à la main par l’artiste visuel Lyno Vuth, l’un des cofondateurs de Sa Sa Art Projects, est l’une des publications qui témoignent de l’esprit d’autodidaxie du collectif. Une trentaine de cartes thématiques recueillent des matériaux sélectionnés dans les archives du White Building (www.WhiteBuilding.org), donnant l’occasion aux trente-trois personnes invitées de se réapproprier le savoir collectif, de le revisiter et de proposer de nouvelles narrations. Le projet s’inscrit dans une volonté d’utiliser les productions culturelles comme des outils pédagogiques par lesquels le public est invité à choisir et à jouer la playlist URL pour découvrir la narration de chaque archive, répondant ainsi au besoin de comprendre la nature rhizomique de la connaissance et ses connexions illimitées (Vuth Lyno).
2. Elements par Mech Choulay et Mech Sereyrath
L’un des douze livres de la série de publications d’exposition autopubliées de Sa Sa, qui permet aux artistes invités de voir leur travail documenté et publié sur place. Ici l’exposition Elements de 2020 des sœurs Mech Choulay et Mech Sereyrath. Elle rassemble une série de photographies et de performances vidéo autour de la question de la résilience de la nature face aux destructions humaines telles que la déforestation et la dégradation des cours d’eau. S’inspirant des recherches menées dans le nord du Cambodge sur les pratiques bouddhistes en matière de préservation des forêts, les deux artistes ont réinventé de nouvelles formes artistiques d’ordination des arbres. Par ailleurs, Elements propose des performances au cours desquelles les artistes se métamorphosent en créatures fluviales pour appeler à la protection et à la guérison de l’écologie menacée.
3. Cambodian Wooden Houses, 1,500 Years of Khmer Heritage par Sokol Hok & Darryl Leon Collins
Cette monographie illustrée consacrée aux maisons en bois khmères est l’acquisition la plus récente de la bibliothèque. Parue en mars 2022, elle a été produite et imprimée au Cambodge par l’imprimerie Sok Heng. Ce livre de 308 pages est divisé en neuf chapitres illustrés de photographies, d’illustrations, de cartes, de plans et de dessins qui présentent le résultat de quinze années de recherche à travers le Cambodge. Le livre retrace le contexte historique et le processus architectural actuel de la construction de maisons en bois. Il est dédié à la préservation de l’artisanat architectural cambodgien et de son lien avec les traditions orales et le symbolisme religieux.
Tuol Sleng Genocide Museum 40 years. Photo Serine Mekoun
4. Tuol Sleng Genocide Museum 40 years: Remembering the victims of S-21
Ce catalogue d’exposition de 155 pages témoigne des nombreuses activités entreprises par le musée du génocide de Tuol Sleng depuis 1979 visant à sauvegarder l’importante documentation (listes, confessions, biographies, photographies, etc.) produite par l’ancien centre d’interrogatoire et de détention S-21 de Phnom Pehn. Le site historique a été transformé en un mémorial et un centre d’archives qui ont permis de mener des recherches et de révéler les crimes des Khmers rouges dans l’ensemble du pays. L’exposition s’intéresse aux premières années du musée et au rôle joué par les archives dans le processus de mémoire et de justice au Cambodge. Elle rend également hommage aux victimes par une série de portraits en noir et blanc, d’illustrations et de fac-similés qui font partie d’une base de données publique en ligne. Cette publication est l’une des rares publications bilingues anglais-khmer conservées dans cette bibliothèque.
Historical images of Bassac River Front. Photo Serine Mekoun
5. Historical images of Bassac River Front par le collectif artistique On Photography Cambodia
Une archive photographique rare de douze pages du Bassac River Front, compilée par le collectif artistique On Photography Cambodia. Les images, qui représentent principalement le White Building, font partie de la collection Charles Mayer et des Archives nationales du Cambodge et ont été prises vers 1963. Le collectif les a ensuite réutilisées pour un projet d’archivage initié en 2009 dans le cadre d’un projet de recherche intitulé : The Building, an urban story of Cambodia [Le Building, une histoire urbaine du Cambodge]. Le complexe Bassac Riverfront était un ambitieux complexe culturel et de logements publics considéré comme une œuvre majeure de la modernisation du Cambodge au cours de la période qui a suivi l’indépendance (1953-70). Les membres du collectif On Photography Cambodia faisaient partie des 2 500 personnes résidant dans le White Building avant sa démolition en 2017. Ce chapbook photographique témoigne de la réappropriation progressive des matériaux d’archives par les nouvelles générations de communautés d’artistes à Phnom Penh.
Sa Sa est ouvert aux dons de livres, de périodiques et d’abonnements ! Si cela vous intéresse, veuillez contacter Lyna à l’adresse suivante : lyna@sasaart.info
Sa Sa Art Projects est un espace artistique cambodgien dédié aux pratiques artistiques contemporaines expérimentales et critiques. Il a été fondé en 2010 par le collectif artistique cambodgien Stiev Selapak et a opéré à partir du complexe d’appartements historique et animé connu sous le nom de White Building jusqu’en 2017, date à laquelle celui-ci a été démoli pour faire place à un nouveau projet de développement. Dans ses nouveaux locaux, Sa Sa Art Projects a pris une orientation vers un engagement plus fort avec les jeunes artistes du Cambodge et les personnes diplômées en art, tout en continuant à établir un dialogue plus approfondi avec les artistes d’Asie à travers ses programmes d’éducation créative, ses expositions, sa résidence d’artiste emblématique Pisaot, et d’autres projets de collaboration spécifiques.
Serine Ahefa Mekoun est une journaliste multimédia, une autrice et productrice qui vit entre Bruxelles et l’Afrique de l’Ouest. Née à la charnière des générations Y et Z, elle s’intéresse à tous les espaces dans lesquelles des futurs différents peuvent fleurir. Elle écrit notamment au sujet des communautés créatives et de la manière dont elles stimulent le changement social dans des contextes postcoloniaux.
[1] Un shophouse est un type de bâtiment architectural vernaculaire que l’on trouve fréquemment dans les zones urbaines de l’Asie du Sud-Est. Il s’agit le plus souvent d’un bâtiment de deux ou trois étages, avec une boutique au rez-de-chaussée pour les activités commerciales et une habitation à l’étage.
INSIDE THE LIBRARY
These special print editions evolved of a joint project with four art collectives in the frame of documenta fifteen.
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