SHOW ME YOUR SHELVES!

Jennifer Harge : La maison comme lieu de plaisir

L’exposition « Show Me Your Shelves » présente des artistes noirs d’Allemagne et des États-Unis dans deux villes. À Detroit tout d’abord, puis à Houston, elle réunit des artistes dont les réflexions portent sur des structures et des expériences communes, mais aussi sur des différences entre les cultures de la diaspora germano-africaine et les perspectives afro-américaines. Artiste performer de Detroit, Jennifer Harge est la directrice de Harge Dance Stories, un collectif qui s’investit dans la gestuelle, les codes et rituels vernaculaires noirs comme moyens de renverser l’esthétique postmoderne traditionnelle. C& s’est entretenu avec Harge au sujet de ces pratiques libératrices globales, du pouvoir du langage du mouvement et de la maison comme lieu de pratique du plaisir et d’exercice de sa propre souveraineté.

Detroit movement artist Jennifer Harge engaged the Parkman Library through performative reading groups for youth and adults. Harge activated texts by authors Virginia Hamilton, Saidiyah Hartman, alexispauline gumbs, and Audre Lorde through group discussions and movementresponses.

Detroit movement artist Jennifer Harge engaged the Parkman Library through performative reading groups for youth and adults. Harge activated texts by authors Virginia Hamilton, Saidiyah Hartman, alexispauline gumbs, and Audre Lorde through group discussions and movementresponses.

By Will Furtado

C& : Comment le langage du corps et la danse peuvent-ils raconter des histoires puissantes tout en restant quelque peu abstraits ?

JH : Je pense que le corps possède ce potentiel en tant qu’entité viscérale. Le pouvoir du langage du mouvement vient de là. J’aime jouer avec ça dans ma pratique : épuiser le corps, savourer des moments pendant longtemps, comme une façon de jouer avec cette espèce de viscère, communiquer le langage à travers le corps. La puissance de la répétition et de l’extrême – c’est le point d’ancrage que j’utilise dans ma pratique de communication de ce langage.

Detroit movement artist Jennifer Harge engaged the Parkman Library through performative reading groups for youth and adults. Harge activated texts by authors Virginia Hamilton, Saidiyah Hartman, alexispauline gumbs, and Audre Lorde through group discussions and movementresponses.

C& : Quel est le rapport de votre corps au public quand il raconte l’histoire ?

JH : Je ne suis pas sûre d’être véritablement soucieuse du public de cette manière. Je me préoccupe de me concentrer sur mon propre rythme. Ce qui m’intéresse, c’est que les gens regardent, et aussi de partager l’espace avec eux, mais j’essaie de ne pas faire un message de tout. Je me préoccupe plus de rester au plus près de mon centre et espère que la concentration vienne. Je pense que l’énergie vient déjà à moi et m’oblige à la renvoyer comme un message que l’on prêche.

C& : Comment trouvez-vous votre position en tant qu’artiste dans la diaspora africaine internationale ?

JH : J’aime croire que je suis en conversation avec la diaspora africaine internationale, avec les personnes qui réfléchissent à des pratiques libératrices, que ce soit dans le domaine des arts visuels ou du mouvement ou quelle que soit la discipline des uns ou des autres. Je pense que cette priorité existe, et qu’elle a toujours existé parmi les artistes noirs de la diaspora, de continuer à réinventer et réimaginer la forme que prend la libération à l’époque présente, dans nos modes de vie actuels, dans la sociabilité de ces modes de vie. J’essaie toujours d’être en conversation avec les gens qui travaillent sur ces lignes et avec ce type de matériau. Je m’inspire donc de nombreux artistes internationaux qui réfléchissent à ce que la libération pourrait même bien signifier. Et je réalise qu’en tant que personne vivant aux États-Unis, je fais déjà partie de cet espace et de ses nombreux privilèges – alors j’essaie d’en être consciente et de me contrôler.

Detroit movement artist Jennifer Harge engaged the Parkman Library through performative reading groups for youth and adults. Harge activated texts by authors Virginia Hamilton, Saidiyah Hartman, alexispauline gumbs, and Audre Lorde through group discussions and movementresponses.

C& : Pourriez-vous m’en dire plus sur le travail que vous avez réalisé pour « Show Me Your Shelves! » à Detroit ?

JH : J’ai travaillé sur une pièce intitulée FLY│DROWN, qui se transforme en un conte populaire dansé. J’ai réfléchi à l’espace domestique noir au figuré, l’espace domestique noir aux États-Unis après la Grande Migration. Dans cette pièce, l’œuvre se déroule dans l’espace d’un salon qui a été réalisé par des artisans du peuple noir ayant émigré vers le Nord après la Grande Migration [qui a eu lieu aux États-Unis entre 1916 et 1970]. J’ai pensé aux façons dont les femmes noires en particulier doivent organiser l’espace ou exiger que la maison soit un lieu de pratique du plaisir ou d’exercice de sa propre souveraineté. La pièce est donc un conte populaire dans lequel le personnage qui vient nous aider se rappelle ce que les grands-mères ont fait pour garantir que ces endroits soient des lieux de sécurité pour les noirs. Cette œuvre vise à nous remémorer ce qu’était cet espace, et nous faire réfléchir sur la manière d’emprunter à ce type de mise en scène pour se rappeler la forme que peut prendre le plaisir. Comment utiliser des stratégies pour construire son chez-soi dans nos propres vies en imitant ce que ma grand-mère a fait, pour créer un chez-soi qui transmette un sentiment de bien-être ? Comment puis-je utiliser la stratégie qu’elle a utilisée pour organiser à ma façon, pour trouver mes propres voies vers le plaisir ou ma propre souveraineté ?

 

Présentée par C&, l’exposition « Show Me Your Shelves! » a eu lieu à la bibliothèque municipale de Detroit (Main, Skillman, Parkman), Detroit, MI, États-Unis du 17 juillet 2019 au 18 août 2019.

 

Jennifer Harge est la directrice artistique de Harge Dance Stories. Elle est interprète, créatrice d’art et éducatrice. Formé en tant que danseur moderne, le travail de Harge se situe à l’intersection du mouvement, de l’art de la performance, de la culture afro-américaine et des chorégraphies de protestation. Grâce à son travail avec Harge Dance Stories et en tant qu’artiste solo, le travail créatif de Harge a été présenté à la cathédrale nationale de Washington, à la Pulitzer Arts Foundation, au Detroit Institute of Arts, au Museum of Contemporary Art Detroit, au Music Hall Center for Performing Arts, au Atlantic Center for the Arts, Dayton Contemporary Dance Company, Université du Michigan, Duke University et Wayne State University. Harge est titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’Université de l’Iowa en tant que boursier diplômé du doyen et d’un baccalauréat en beaux-arts de l’Université du Michigan.

 

Par Will Furtado.

 

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