Jasmine Sinclair Wilson et son immersion dans l’œuvre d’art d’Horace Imhotep.
Pendant le mois de novembre 2018, j’ai participé au workshop annuel de C& autour de l’écriture critique. En débattant avec mes pairs et la responsable du workshop, Taylor Aldridge, j’ai découvert des perspectives critiques essentielles à la diaspora africaine et ai été dirigée vers l’utilisation d’un langage unique pour ma voix en tant qu’auteure noire. J’ai notamment exploré l’idée de me trouver à l’intérieur d’une œuvre d’art tout en écrivant à son sujet, m’immergeant dans le processus de l’artiste et pénétrant l’œuvre, pour finalement en capturer l’essence à travers mes sensations et mes pensées. Ma contribution à cette édition papier spéciale est cette tentative de rendre une œuvre personnelle, de devenir cette œuvre même et de vivre en son cœur à travers mes mots. Merci à tous les autres participants au workshop, à Taylor, aux éditrices en chef de C&, Julia Grosse et Yvette Mutumba, pour avoir rendu cela possible.
Je suis perdue dans des nuances orange sanguine. Durcissant sous mes doigts se trouve un sol si vibrant et libre que je peux à peine entendre les enfants rire et courir derrière moi. Je m’appuie sur la colline du terrain de jeu et mes genoux absorbent le sol. Mes amis sont à quelques pas. Nos épais copeaux de bois pénètrent la Terre, et nous observons l’argile changer de couleur, passant d’un orange lumineux à un rouge profond. Le trou que nous creusons dans le sol se rétrécit et révèle les profondeurs de l’argile rouge géorgienne de Mère Terre. Juste après avoir fait une de nos découvertes les plus passionnantes, ma classe de deuxième année d’école élémentaire est dirigée vers notre salle de cours. Notre professeur nous apprend à nous laver les mains avant d’entrer. J’essaie d’éviter de débarrasser mes mains de l’argile mais je suis ses ordres et regarde le filet d’eau rouge disparaître dans l’évier. Ce souvenir d’enfance sera mon lien personnel à la riche argile de Géorgie que l’artiste Horace Imhotep met en valeur dans sa peinture actuellement exposée à la ZuCot Gallery à Atlanta. L’exposition s’intitule 4HUNDRED (400) – le positionnement de la galerie ZuCot sur les années passées depuis que les Africains ont été réduits en esclavage à Jamestown, en Virginie, en 1619. Lorsque j’ai lu le statement de l’artiste Imhotep au sujet de Ancestral Clay, j’ai été surprise de voir que cette œuvre était aussi profondément enracinée dans l’ADN géorgien : « Des visages sans corps physiques s’adressent à la présence spirituelle. Des voix fortes hurlent depuis le sol autrefois baigné de sang. Il existe de nombreuses explications scientifiques de la couleur de la riche argile géorgienne, mais voici la mienne. » Me laissant aspirer par la qualité séduisante de la palette de rouges d’Imhotep et l’imagerie évocatrice de souvenirs, je me suis sentie réconfortée par le lien de la peinture à la ville de mon enfance, Atlanta. La peinture m’a accueillie à bras ouverts, a couvert mes doigts du sol adoré lorsque j’étais petite fille et m’a fait entendre son message. Lorsque je suis entrée dans la conception d’Imhotep de la mémoire ancestrale, j’ai commencé à la voir d’un nouveau regard, je suis devenue l’œuvre d’art. J’ai reçu ses conseils, ses inspirations et ses idées. J’ai laissé les visages flottants de la peinture me soulever et me retenir au sol, et j’ai contemplé la réponse d’Imhotep aux approches scientifiques pour comprendre ce qui rendait l’argile de Géorgie aussi rouge.
Imhotep répond à la question en visualisant le sang et l’esprit de ses ancêtres. Il peint des visages rouge clair pour représenter le prolongement de la vie spirituelle africaine après la mort physique. Les visages flottent les uns parmi les autres, se transformant en un être et une peinture à découvrir. Imhotep identifie l’ancrage du Sud dans l’esclavage en mettant en relief la relation unique de la Géorgie à l’argile rouge. Il place l’État au cœur de la période de 400 ans traitée par l’exposition et livre une interprétation visuelle emblématique de la mémoire africaine ancestrale. À son apogée, Ancestral Clay réunit le passé, le présent et le futur en une entité, tout en capturant l’héritage durable des peuples africains d’Amérique – leur esprit de résistance, leur présence terrestre et leur force vitale infinie. Qu’elle mette l’accent sur les 400 années passées ou sur le présent, cette peinture possède une qualité transcendante qui lui permet d’évoluer dans son propre temps. En tant qu’artiste et penseur, Imhotep démontre sa capacité à penser largement, avec imagination, l’histoire noire. Il fait honneur à son passé douloureux et traumatique en insufflant de la vie dans sa présence, en partageant son interprétation de la vie dans son rapport à la spiritualité. Pénétrante, suscitant la réflexion, visuellement contagieuse : l’œuvre Ancestral Clay d’Imhotep garde en vie l’esprit africain ancestral et donne un sens nouveau à l’argile rouge porteuse de mémoire de la Géorgie.
Jasmine Sinclair Wilson est une auteure résidant à New York.
Cet article a fait l’objet d’une première publication dans la seconde édition spéciale de C& #Detroit. Pour lire le magazine dans son intégralité, cliquez ici.
Traduit de l’anglais par Myriam Ochoa-Suel.
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