In the space of three weeks between April and May 1996, the parallel histories of Chinese migrant labour and Senegalese art practice unexpectedly overlapped to produce an event in Dakar that would leave permanent traces in the landscape of the Biennale.
En l’espace de trois semaines, entre avril et mai 1996, les histoires parallèles de la main d’œuvre immigrée chinoise et de la pratique artistique sénégalaise se croisèrent de manière inattendue à Dakar, créant un évènement qui allait marquer durablement le paysage de la Biennale. L’ancien ministre de la Culture, le philosophe et écrivain Abdoulaye Elimane Kane, remettait à l’artiste et au commissaire d’exposition El Sy – qui avait dirigé le collectif TENQ –, et à moi-même, les clés d’un camp désaffecté près de l’aéroport, camp où avaient vécu des travailleurs chinois.
Trois semaines plus tard, en mai 1996, TENQ, conçu comme un point de convergence artistique, ouvrait au reste du monde les portes du campement chinois. Des artistes invités venus du Kenya, du Zimbabwe, d’Afrique du Sud, de Côte d’Ivoire, du Nigeria et du Royaume-Uni se virent attribuer des ateliers dans les baraquements débarrassés de leurs fragiles cloisons, et travaillèrent et vécurent sur place deux semaines durant. Un espace fut consacré à une galerie dans l’ancienne cantine et l’annonce de l’ouverture – le manifeste de TENQ 96 – fut affiché sur les murs des baraques.
TENQ 96 était une poudrière en quête d’une nouvelle identité située entre l’histoire locale de squats d’artistes et leur déguerpissement par le gouvernement d’une part, et la nécessité d’une grande visibilité et d’une production accélérée imposée par l’internationalisation d’autre part. Bien que l’occupation du site n’ait pas été prévue pour durer plus de ces deux semaines, El Sy et le groupe constituant le noyau ne quittèrent pas le nouveau Village des Arts, et plusieurs d’entre eux y sont installés depuis. Cette situation pratiquement inédite a donné à la ville de Dakar une infrastructure artistique qui demeure l’unique initiative liée à la Biennale ayant survécu au fil des années.
Extrait de « Brothers in Anns : Laboratoire AGIT’art and Tenq in Dakar in the 1990s » par Clémentine Deliss, à paraître dans le numéro 36 de la revue Afterall, en été 2014.
Clémentine Deliss est directrice du Weltkulturen Museum de Francfort-sur-le-Main. Elle a étudié l’art contemporain et l’anthropologie sociale à Vienne, Londres et Paris, et est titulaire d’un doctorat obtenu à l’université de Londres. Entre 1992 et 1995, elle a été la directrice artistique d’africa95. Elle a été commissaire des expositions suivantes (sélection) : « Foreign Exchange (or the stories you wouldn’t tell a stranger) », Weltkulturen Museum (avec Yvette Mutumba), 2014 ; « Object Atlas – Fieldwork in the Museum », Weltkulturen Museum, 2012 ; « Seven Stories About Modern Art in Africa », Whitechapel Gallery, Londres, 1995, et Malmö Konsthall, 1996 ; « Lotte or the Transformation of the Object », Styrian Autumn, Graz, et Akademie der Bildenden Künste de Vienne, 1990. Entre 1996 et 2007, elle a chapeauté la publication de onze numéros de la revue Metronome, porte-parole des écrivains et des artistes sur la scène internationale, dont le tout premier numéro fut publié à Dakar en 1996. Entre 2002 et 2009, elle a dirigé le laboratoire de recherches international Future Academy lancé à Dakar.
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