Sentimental, a six-month exhibition held at Maison Revue Noire from May 1st to December 31st, 2013, explores with a certain coldness the various aspects of the emotional paradigm: the desire and the body
Sombre et sensible à la fois, le travail de Joel Andrianomearisoa révèle les aspects contradictoires et troubles des relations sentimentales. « Sentimental » – une exposition d’une durée de six mois visible à la Maison Revue Noire du 1er mai au 31 décembre 2013 – explore avec une certaine froideur les divers aspects du paradigme émotionnel : le désir et le corps.
À travers une scénographie dont il est l’auteur, Joel Andrianomearisoa envahit l’espace généreux de la Maison Revue Noire (250 m2), une galerie où il se sent libre de s’épancher et de laisser libre cours à son talent, mêlant architecture, design et photographie. La Maison Revue Noire est bien nommée. Plus qu’une simple galerie, la Maison Revue Noire est une maison d’artistes. Là, les artistes exposés font aussi partie de la famille. Joel Andrianomearisoa s’y sent manifestement chez lui ; ce lien fort avec la galerie transparaît dans son tout dernier projet. « Sentimental » est une œuvre d’art en soi. Sincère, Andrianomearisoa met son sentiment à nu et questionne le nôtre.
Dès le début de l’exposition, Joel Andrianomearisoa se présente et donne le ton. Il nous invite dans sa Maison Sentimentale, un travail autobiographique, une fresque qui explore les profondeurs de l’artiste à travers des repères visuels, de moments qui ont rythmés à la fois son travail et sa vie. En premier lieu, son travail évoque Madagascar, ses origines, et livre un regard sur ce pays qu’il a quitté mais auquel il reste profondément attaché. À l’âge de douze ans, il a fréquenté l’école de mode d’Antananarivo ainsi que l’École des beaux-arts. Il combine bientôt pratiques, matières et styles, de sorte qu’il est rapidement remarqué et reçoit le prix des jeunes talents d’Antananarivo en 1996. Puis vient Paris, ville où il étudie l’architecture, ville où se nouent des liens solides. Les feuilles volantes de Rotimi Fani Kayode et Bill T. Jones, présentées confusément dans deux cadres, symbolisent son admiration pour ces deux artistes. Pourtant, ces feuilles sont l’une des premières couvertures du magazine Revue Noire, autre témoignage de l’attachement qu’il porte à la Maison Revue Noire, puits de connaissances et lieu de reconnaissance de son travail, mais aussi d’une amitié. Peu à peu, Joel Andrianomearisoa s’affirme en tant qu’artiste. Il montre son amour du travail de la matière, son goût pour la photographie du corps, pour l’écriture, et sa capacité à travailler avec divers médiums qu’il combine à merveille.
L’artiste se révèle à travers six salles réparties sur les deux niveaux de la galerie. Il invite le visiteur dans cet espace sacré dans lequel on pénètre par un rideau sombre intitulé Dark Sky. Assurément, Andrianomearisoa souhaite laisser parler ses œuvres par elles-mêmes. Installations, photos et objets sont présentés sans artifice. Le texte est absent, afin de laisser le visiteur s’immerger dans l’exposition. La définition de Sentimental est un défi tant ce terme peut signifier tout et rien à la fois. L’artiste interroge, offre et négocie une définition du sentiment.
L’amour est mouvant, il se négocie, s’appréhende, il est tortueux et hésitant. L’amour est-il éternel ? Certainement pas à en croire le Labyrinthe des passions, une œuvre faite de drapés de papier noir, fragile et vouée à disparaître. Mais ce n’est pas grave, il est beau et vivant, à l’instar de ce grand voile noir collage qui envahit le jardin de la Maison Revue Noire, qui respire et se transforme avec le temps. Ainsi, de la passion et de ses dualités internes, que l’on trouve dans Les vestiges de l’extase, d’un ensemble de photographies de garçons et d’installations, on passe à l’expression de cet amour.
Avec ses Lettres d’amour parisiennes, Andrianomearisoa exprime sa volonté de créer des liens sentimentaux. Vingt boîtes de plexiglas comportant des lettres d’amour sont exposées. Elles seront ensuite réparties dans les vingt arrondissements de Paris. La lettre d’amour symbolise un acte de générosité sentimentale. On se livre, on couche ses sentiments à l’encre noire. C’est un acte libérateur. Un don de soi. Ce don de soi se retrouve également dans l’amitié. La table qui sert de présentoir aux lettres servira aussi à accueillir des amis ou des étrangers pour dîner. L’amitié est au cœur de cette exposition. Des artistes-amis apporteront leur contribution à la lumière de l’exposition qui évoluera tout au long de l’année. Par exemple, l’artiste Benjamin Sabatier offrira une installation constituée de cartes comportant l’inscription « See you soon… I hope ». De plus, Elise Atangana organisera une extension féminine de l’exposition, « Femmes Sentimentales », une perspective de femmes.
Le visiteur est invité à revenir afin d’apprécier la palette complète de l’œuvre de Joel Andrianomearisoa. Chaque visite lui révèlera certainement une perspective inédite et établira une nouvelle relation avec le visiteur.
Charlotte Okito
SENTIMENTAL – JOËL ANDRIANOMEARISOA
Maison REVUE NOIRE
du 1er mai 2013 au 31 décembre 2013
du mercredi au samedi – de 13h à 19h
Traduit de l’anglais par Myriam Ochoa-Suel
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