Bandjoun, une petite ville à environ 300 kilomètres de Yaoundé au Cameroun, attend les amateurs d’art contemporain en un lieu unique : imaginez la rencontre entre David Hockney, l'Arte Povera et Barthélémy Toguo...
Par ses expositions permanente et temporaires, cette galerie d’art contemporain située dans la partie ouest du Cameroun ouvre une fenêtre sur des œuvres de célèbres plasticiens européens, comme les Anglais David Hockney et David Nash, ou l’Allemand Stephan Balkenhol, ou encore les Françaises Peggy Viallat-Langlois et ORLAN.
Incursion dans cette brèche spéciale dégagée par l’exposition signée Barthélémy Toguo, plasticien camerounais dont les prouesses ne cessent d’égayer les consciences les plus éclairées. Ouverture d’esprit, cassure des frontières. La galerie d’art contemporain Bandjoun Station située dans la partie ouest du Cameroun prend au mot ces deux expressions. Le bâtiment principal de cet espace culturel ouvert en 2013 et propriété du plasticien camerounais de renommée mondiale Barthélémy Toguo, est une caverne aux trésors. Pépites d’ici et d’ailleurs. Des artistes locaux s’exposent fièrement aux côtés de quelques grands noms du gotha de l’art de la scène mondiale, aussi bien dans l’exposition permanente au cinquième niveau que sur l’un des deux étages plus bas, abritant les expositions temporaires.
Bandjoun Station, au-delà d’être un abri du génie des artistes, tisse un lien puissant entre les cultures. Les Anglais David Hockney et David Nash (difficile de résister à l’envie de les appeler les deux David) ont effectué le voyage. D’autres grands noms européens des arts visuels se taillent aussi une place de choix dans cette galerie. La Française ORLAN, exploratrice de l’infini mystère du corps humain, sa compatriote Peggy Viallat-Langlois, philosophe du portrait et de l’autoportrait, le Polonais Roman Opalka, pris dans l’irréversibilité du temps avec Vis-à-vis d’une toile « non touchée » …La blancheur des murs de la galerie projette l’histoire forte et belle de l’art contemporain.
David Nash y poursuit son combat pour la défense de l’environnement et dévoile un tableau de formes géométriques tricolores (jaune-bleu-rouge) représentatif de la pureté de la nature. L’Allemand Stephan Balkenhol, avec très peu de traits, presque en noir et blanc, effleure le papier du bout du crayon. Il joue la carte de la parité, en superposant des portraits d’hommes et de femmes, rendant tout juste ce qu’il faut d’expression du visage. Que dire de cet héritage de Jannis Kounellis (Grèce), précurseur de l’Arte povera ? La simplicité radicale de l’artiste disparu en février 2017 s’aligne parmi les talents reconnus, que Bandjoun Station s’arroge le privilège de s’offrir.
FOCUS SUR DAVID HOCKNEY
Coup d’œil admiratif sur le travail de David Hockney. L’octogénaire au doigté coloré, maître de l’effet-reflet sur toile, est cette année la vedette de nombre de galeries et de musées célèbres à travers le monde. Pas besoin d’aller jusqu’au Centre Pompidou à Paris pour admirer l’exposition rétrospective « David Hockney » en collaboration avec la Tate Britain de Londres et le Metropolitan Museum of Art de New York. Bandjoun, petite commune située à environ 300 kilomètres de Yaoundé, la capitale du Cameroun, tend la main aux amateurs d’art contemporain.
Ce jeudi 31 août 2017, un rayon de soleil téméraire s’infiltre dans la galerie. Il illumine en toute coïncidence le portrait en sépia du protégé et compagnon de Hockney, Peter Schlesinger, réalisé en 1976 à Hollywood pendant la folle période hédoniste de l’artiste anglais. Que penseraient les visiteurs locaux si seulement ils devinaient ce que représente cet homme à la mèche rebelle, au visage candide et à la posture innocente pour Hockney ? Il faut croire que la perception des autochtones serait totalement en émoi face à ce cri d’amour au crayon d’un homme à un autre. Cela n’arrêterait sans doute pas l’enthousiasme artistique et l’audace créative de Barthélémy Toguo, qui poursuit son hommage à Hockney avec deux autres œuvres : Small Head of Gregory et The Commissioner.
La présence précieuse de ce patrimoine est une volonté de Barthélémy Toguo. Il explique : « J’ai choisi ces artistes de par la qualité de leurs travaux complexes, impertinents. Je ne voulais pas que Bandjoun Station soit juste un ghetto avec des œuvres d’artistes africains, mais un lieu où des univers différents se croisent. Par exemple, David Hockney et son coup de crayon particulier, sa démarche singulière, rehaussent la qualité et le niveau des expositions à Bandjoun Station. » Une autre raison plus militante se cache derrière l’« exposition européenne » de cette galerie d’art camerounaise. « Une ouverture est donnée aux jeunes artistes. Ils peuvent ainsi comprendre l’histoire de l’art contemporain de l’Ouest. C’est important d’étudier le parcours, le sens et la culture d’artistes comme David Nash et ses déclinaisons en lithographie, en gravure, partant du dessin, pour pouvoir s’élever », reconnaît Barthélémy Toguo. De quoi permettre aux centaines d’artistes en résidence et d’étudiants qu’accueille Bandjoun Station chaque année de se frotter un peu plus à la délicatesse des œuvres des maîtres du mouvement contemporain. La virée artistique autour du vieux continent, l’Europe, y est exaltante.
Monica Nkodo est une journaliste vivant et travaillant au Cameroun.
Cette article a été publiée pour la première fois dans notre dernier édition papier #8. Lisez le édition complet ici.
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