Une semaine pour découvrir les arts visuels de manière originale. Du 5 au 10 décembre 2017, la quatrième édition du Salon Urbain de Douala est partie à la quête des droits de l’homme. Des artistes venus d’une dizaine de pays ont convergé dans la capitale économique du Cameroun. Ils ont dévoilé leurs œuvres devant un public tout aussi curieux qu’incrédule.
Comment situer l’Humain dans cet immense univers qu’est l’art ? Peut-il trouver dignité et grandeur dans la conception artistique faite de bois, de pierre, de métal ou de tout autre matériau ? Des réponses à ces questions sont apportées par le Salon Urbain de Douala (SUD).
Cette rencontre internationale est organisée par le Centre d’art contemporain doual’art et sa promotrice Marilyn Douala Manga Bell. Cette année, la quatrième édition de cette triennale devenue un rendez-vous immanquable pour la ville de Douala (capitale économique du Cameroun) s’est intéressée aux droits de l’homme. Son thème, « La place de l’Humain », pose un regard libre, actuel, osé sur ce mépris de plus en plus fréquent de la vie dans la société. Maltraitance, esclavage, prostitution… Quelle que soit son apparence, le non-respect de la valeur humaine est visible au quotidien.
Du 5 au 10 décembre 2017, 16 artistes d’Afrique, d’Amérique et d’Europe ont donné leur vision des relations humaines. Un concept matérialisé par différentes formes artistiques : architecture, peinture, performance, sculpture, vidéo, entre autres. En chiffres, le SUD 2017 va au-delà de ces 16 artistes locaux et internationaux. C’est aussi 21 œuvres d’art et évènements artistiques inaugurés, quatre panels de discussions réunissant 16 conférenciers, un programme « off » d’au moins 10 projets répertoriés. Sans oublier les 150 festivaliers internationaux qui étaient attendus, y compris la presse internationale. Les organisateurs du festival ont souhaité qu’il ait un impact sur 20 000 personnes dans la ville de Douala. Carrefours, établissements scolaires, quartiers périphériques, rues, et bien plus encore, ont été pris d’assaut par les installations des plasticiens. Chacun y est allé de son génie.
L’art envahit la rue
Les chaises de la dignité d’Hervé Yamguen (Cameroun) ont offert une profonde réflexion autour des notions inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’enfant. Nombre de représentations se sont montrées interactives avec la contribution heureuse du public. Des jeunes en général. Avec Living together d’Emile Youmbi (Cameroun), les passants ont reçu des ballons relâchés plus tard dans le ciel, en signe de libération de l’esprit, de la pensée. La même idée est retrouvée dans Dream Pressure Tester des artistes plasticiens Stephen Hobbs et Marcus Neustetter (Afrique du Sud). Sauf que cette fois, ce sont les rêves d’habitants de Douala inscrits sur des ballons qui s’envolent séparément puis se regroupent. Ce qui démontre la puissance capable d’émaner d’un projet commun.
Les infrastructures de la ville de Douala ont été sollicitées. Sur un abribus, Justin Ebanda (Cameroun) grave des phrases, des mots et des noms de célèbres personnages de l’histoire du Cameroun. Sur des panneaux de signalisation, Hervé Youmbi (Cameroun) rédige des articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans un argot populaire créé et parlé par les jeunes. C’est un mélange d’anglais, de français et de langues locales. Pas après pas, le badaud décrypte les mots d’un poème écrit sur le trottoir par le Franco-Colombien Iván Argote, etc.
Bienfait artistique pour Douala
Ces réalisations répondent à plusieurs missions du Centre d’art contemporain doual’art, fondé en 1991. Parmi elles, susciter le débat autour de l’art. L’installation temporaire de la Française Sylvie Blocher s’intitule Bien que je n’en aie pas le droit, je vous présente mes excuses. Par son œuvre, elle demande pardon aux Camerounais pour toutes les souffrances causées par la colonisation française. Beaucoup n’ont pas apprécié ou n’ont pas compris. On a assisté à un tourbillon de réactions, autant négatives que positives.
Grâce au SUD, la ville de Douala s’est dotée de projets d’art public. Des monuments voient le jour ou sont rénovés. À titre d’exemple, La Nouvelle Liberté, imposante sculpture métallique du plasticien camerounais Joseph-Francis Sumégné. Installée dans un célèbre carrefour de Douala, elle a pris un coup de neuf à l’occasion de la première édition du SUD en 2007. Des places publiques banales et sans intérêt accueillent ou sont même transformées en pièces d’œuvres d’art uniques. Ce sera le cas de la poste centrale de Douala. En 2018, The Burden, une installation en aluminium d’environ 10 mètres de hauteur, sera exposée. Cette œuvre de Justine Gaga (Cameroun) a été dévoilée durant ce SUD grâce à une maquette réalisée en 3D.
Toutes ces innovations font la force du SUD. « C’est un véritable challenge pour la ville de Douala que de savoir honorer ce cadeau et en même temps de savoir le conserver », reconnait Cécile Bourne-Farrell, commissaire général du festival SUD 2017. Pour elle, « il y a ce désir de trouver les bons mots, la façon de pouvoir parler du quotidien, de l’ancrage dans l’histoire, de la jeunesse aussi ». Dix ans après sa première édition, le SUD démontre bien que ses ambitions restent intactes. Le SUD incite au dialogue par la création artistique pour favoriser le vivre-ensemble. Il incite les citoyens de Douala à se familiariser à l’art et au respect de leur cité.
Monica Nkodo est une journaliste vivant et travaillant au Cameroun.
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