galerie karima celestin, Marseille, France
30 Aug 2014 - 18 Oct 2014
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KAPWANI KIWANGA. FLOWERS FOR AFRICA
Célébrations, dédicaces, commémorations, condoléances… voilà les actions, sentiments, et devoirs divers qu’emmagasine cette œuvre qui prévoit de se consacrer à rendre hommage à un continent tout entier. Flowers For Africa (Des Fleurs pour l’Afrique) est un projet en cours de Kapwani Kiwanga qui entend réinterpréter des bouquets et autres arrangements de fleurs et de plantes présentés pendant la transition vers l’indépendance (ou un événement historique connexe pour ce qui est de l’Ethiopie) dans ses 54 pays.
La première manifestation du projet Flowers for Africa de Kiwanga pris forme durant sa résidence à Dakar, Sénégal, pour préparer l’exposition « Cyclicités » curatée par le collectif On The Roof à la Galerie Le Manège en 2013. (1) L’installation était composée d’un vase, 70 oeillets, 20 anémones, de bougainvillier, ainsi que trois socles et plaques, basée sur des images trouvées aux archives nationales, aux archives du Ministère de la communication et de la bibliothèque d’images de l’I.F.A.N. (Institut Fondamental d’Afrique Noire). Fraîches et resplendissantes pour le vernissage, les fleurs ne sont pas spécialement préservées, laissant libre cours à leur cycle naturel. Comme dans la narration d’un conte, le passé est momentanément ramené à la vie pour être nouvellement considéré, jusqu’à la prochaine incidence. Un travail apparemment éphémère sur la mémoire, faillible, d’une grande richesse, comme l’oralité ou la photographie.
A l’occasion de cette exposition à la galerie Karima Célestin, « Fallible witnesses » (Témoins faillibles), une description écrite d’un bouquet dans une photographie relatant l’actualité de la Fédération du Mali (qui se sépare ensuite pour devenir le Sénégal et le Mali) évoque l’incarnation précédente du projet dans un mode plus conceptuel, mais d’ordre permanent. Quatre bouquets sont reconstitués faisant référence aux bacs à fleurs dans l’arrière plan d’un discours ducal au Tanganyika (l’actuelle Tanzanie) en 1961, aux bouquets suspendus dans un stade en Ouganda en 1962, aux glaïeuls portés en triomphe par Benyoucef Benkhedda en Algérie en 1962, au bol de fleurs coupées sur une table destinée à une négociation majeure entre Frelimo (Front de Libération de Mozambique) et le Portugal en 1975.
Le fait de se focaliser sur des détails en apparence mineurs au sein des processus d’officialisation des indépendances est associé à la tradition de la nature morte aux symbolismes complexes et chargés au sein de l’histoire de l’art. En effet, un des bouquets sénégalais était tricolore (bleu, blanc, rouge), composé pour être donné au président Charles de Gaulle.
Une autre œuvre présentée dans cette exposition est la vidéo intitulée Vumbi (Poussière, 2012), filmée au bord d’une route rurale en Tanzanie. Kiwanga nettoie méthodiquement la poussière rouge déposée sur un buisson, révélant une bande verticale de verdure. Les fleurs font souvent parties des ingrédients d’un foyer, du bien-être domestique, pour leur pouvoir de réconfort malgré leur fragilité et leur impermanence. Une forme de catharsis créative est à l’œuvre.
« La culture est le miroir d’une communauté en mouvement. La culture est pour la communauté ce que la fleur est pour une plante. Une fleur est très belle à voir. Mais elle est le résultat des racines, du tronc, des branches et des feuilles. Mais la fleur est spéciale puisqu’elle contient les graines qui sont l’avenir de cette plante. Tout en étant le produit d’un passé dynamique, elle est prégnante du lendemain. » Ng?g? wa Thiong’o (2)
Caroline Hancock
Août 2014
Notes
1. « Cyclicités », Galerie Le Manège, Dakar, Sénégal, février-mars 2013. Curatée par On The Roof (Elise Atangana, Yves Chatap, Caroline Hancock). Avec des œuvres de Steeve Bauras, Victor Omar Diop, Kapwani Kiwanga.
2. Ng?g? wa Thiong’o, « Speaking My Language », discours à l’occasion de la remise des prix littéraires du Sunday Times, 2012. Accessible le 17/08/14 : http://bookslive.co.za