Dans cette interview, la professionnelle des arts et blogueuse nous parle de ses nombreux projets destinés à soutenir les jeunes artistes du pays.
Contemporary And : Vous êtes une véritable défenseuse des arts, vous avez mis en place de nombreux réseaux et espaces pour les jeunes artistes en Afrique du Sud. Quel est votre parcours et votre ambition pour la scène artistique du pays ?
Zimkhitha Xwashu : J’ai découvert la scène artistique lorsque j’ai déménagé à Cape Town pour étudier en 2016, bien que mes qualifications ne soient pas liées aux arts et à la culture. J’avais l’habitude de fréquenter les galeries à chaque First Thursdays – Cape Town regorge de galeries et de musées, et mon enthousiasme pour les arts s’est considérablement amplifié. J’ai eu envie de lancer une initiative artistique en 2020 lorsque je suis retournée dans ma province natale, qui est moins développée, autrement dit, il y a moins d’activités dans le domaine de la création et moins d’opportunités pour les artistes. J’ai remarqué ces lacunes et mon objectif est de contribuer à la croissance et à la durabilité des artistes qui débutent, en particulier les personnes issues de communautés défavorisées, en leur proposant des espaces dans lesquels elles peuvent exposer leurs œuvres, constituer des réseaux avec d’autres artistes et rencontrer un public.
C& : Comment votre environnement, les conditions locales spécifiques et les structures dans lesquelles vous travaillez et vivez soutiennent-ils votre engagement, y compris sur le plan financier ?
ZW : Il n’est pas facile de naviguer et de travailler dans l’environnement d’eGqeberha, mais j’ai reçu le soutien de la municipalité métropolitaine locale qui m’a fourni l’espace dans lequel je travaille. Le bâtiment dans lequel nous organisons les expositions est une entité de Mandela Bay Development Agency et relève de son département pour les arts, la culture et le patrimoine. Les expositions pop-up étant un nouveau concept ici, la plupart des gens hésitent à les soutenir – ils sont habitués aux galeries traditionnelles, auxquelles peu d’artistes de la région ont accès. Financièrement, le projet n’a pas reçu beaucoup de soutien, ce qui limite sa possibilité de croissance et sa capacité à soutenir les artistes qui débutent. Je dois donc faire face à un certain nombre de défis.
C& : Votre cœur semble battre pour la communauté, l’échange et l’empouvoirement. Vous avez co-fondé un espace plus bienveillant pour les jeunes femmes en 2017 avec H.E.R. Society. Comment cette initiative a-t-il vu le jour et ouvert la voie à tous vos autres projets ?
ZW : H.E.R. Society a été ma première initiative, et je suis très fière de l’espace que j’ai créé et de l’impact qu’il a eu sur les jeunes femmes de ma communauté – même si ce projet n’a été que de courte durée, puisque nous l’avons lancé alors que j’étais en dernière année [d’université] et que je ne vivais plus à Cape Town.
Society était financée par ma résidence étudiante, elle s’adressait donc exclusivement à ses étudiantes locataires, bien que nous venions toutes de différents campus et institutions. Nous venions d’endroits divers et nos vies étaient façonnées par des conditions différentes, mais j’ai pensé que si nous pouvions nous réunir, échanger et partager nos expériences, cela nous aiderait à mieux vivre notre vie de jeune femme à l’université. J’ai vu tant de filles autour de moi être victimes d’abus, certaines n’en étaient même pas conscientes, d’autres avaient peur d’en parler. Il n’existait pas de safe space et j’ai ainsi ressenti le besoin de former une communauté, une sororité dans laquelle nous pourrions nous amuser tout en nous empouvoirant les unes les autres.
C& : En avril 2020, vous avez lancé votre blog dédié aux arts : Chosi, qui présente des personnes travaillant dans le domaine de l’art, de la culture et du design. De là est née l’initiative Art & Conversations eBhayi, un projet à visée non commerciale qui donne à de jeunes artistes la possibilité de faire connaître leur travail à un public. Vous observez déjà la machine se mettre en marche ? Comment vos projets influencent-ils et modifient-ils la scène artistique ?
ZW : Je ne dirais pas que le projet a déjà changé la scène artistique, mais je pense qu’il a eu un impact sur les artistes qui ont collaboré avec moi, surtout lors de la première exposition. Les artistes font maintenant partie de plus grandes plateformes et ont montré leur travail à Cape Town et à Joburg, ce qui est formidable. Zulingile Hanise est devenue membre de l’alliance des artistes du V&A Waterfront et a exposé à l’Association of Visual Arts Gallery à Cape Town. Lithemba Nziweni et Luchwayito Vena ont présenté leur travail à Design Indaba’s Emerging Creatives en 2020 et 2021 et leur court-métrage a été projeté au festival Africa Rising Film à Joburg fin 2021. C’est donc fantastique qu’Art & Conversations ouvre la voie à de plus grandes opportunités.
C& : Travaillez-vous également au-delà des frontières de l’Afrique du Sud, notamment par l’invitation à des artistes d’autres pays du continent et de la diaspora mondiale ?
ZW : J’essaie de me constituer un réseau autant que possible, en ligne et en participant à des foires d’art dans d’autres villes, où il est plus facile de rencontrer des artistes du continent et de la diaspora internationale. L’artiste malawite-écossaise N’lwamai Chitambo, actuellement inscrite à Rhodes University à Grahamstown, a exposé lors de l’édition 2022 d’Art & Conversations eGqeberha. Je pense qu’avec le temps, au fur et à mesure que l’initiative se développe, je serai en mesure de multiplier les invitations et les contacts avec les artistes de la diaspora africaine et mondiale.
C& : Qui sont les jeunes artistes à suivre de près ?
ZW : Il y a tant d’artistes à surveiller, dont beaucoup avec qui j’aimerais travailler à mesure que je progresse dans ma carrière de curatrice en herbe. Parmi ces artistes figurent Assoukrou René Poupoint (Côte d’Ivoire), Samurai-Farai (Afrique du Sud), Chuma et Sichumile Adam, Muofhe Manavhela (Afrique du Sud), Bubu Ogisi (Nigeria), et bien d’autres encore.
Interview par Theresa Sigmund.
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