The opening of the Black Cultural Archives’ purpose-built space in Brixton, London coincides with the arrival of Black Artists in British Art: A History from 1950 to the Present by Eddie Chambers – a book we have all been waiting for, says Hansi Momodu-Gordon
Ces deux événements historiques devaient fortement modifier le paysage en distinguant des espaces pour les récits consacrés aux artistes noirs britanniques dans l’histoire de l’art en Grande-Bretagne. Au centre de Black Artists in British Art, on retrouve le récit de la tentative continue d’invisibilisation des artistes noirs en Grande-Bretagne au cours d’une évolution qui illustre le niveau d’ouverture du monde de l’art parallèlement à la politique d’immigration britannique et aux fluctuations des relations entre les races des années 1950 à nos jours. Au travers de sa collection d’objets, d’histoires écrites et orales, de photographies et de textes, une organisation telle que les BCA invite à porter un regard rétrospectif sur l’histoire et à accéder aux vestiges des expositions, artistes et institutions mêmes que Chambers désigne dans son texte.
Dans l’introduction, Chambers aborde l’oubli dans lequel un grand nombre d’artistes sont tombés. Bien que chaque chapitre du livre se consacre à un groupe d’artistes travaillant à un moment donné ou lors d’une décennie en particulier, son postulat est que chacun constitue un métarécit de « problèmes et progrès ». Reprenant ce postulat dans l’épilogue, la section consacrée aux praticiens contemporains, Chambers entre dans les détails en déclarant : « L’histoire des artistes noirs en Grande-Bretagne reflète un schéma constant et souvent prévisible, au sein duquel les chances des artistes individuels fluctuent, tandis que la majorité des praticiens doivent se contenter soit d’une visibilité fugace, soit d’une absence totale de visibilité. » (Chambers 2014, p. 195.) Le symptome d’amnésie va de pair avec un cas d’invisibilité chronique.
Les artistes noirs britanniques se sont non seulement vu accorder relativement peu de moments de visibilité au cours de l’histoire, mais ces événements ont tendance à être systématiquement oubliés. Ou plutôt, ils ne sont pas entrés dans la mémoire nationale de façon à informer les générations suivantes. L’un des effets secondaires de l’amnésie, outre la perte d’une histoire importante, a pour conséquence, pour certains artistes, de se voir continuellement présentés comme une découverte, une nouveauté, voire une mode. Ceux-là mêmes qui, en 2014, proclament la découverte de l’art originaire d’Afrique y auraient probablement réfléchi à deux fois s’ils avaient été au courant de l’exposition « Contemporary African Art » qui s’est tenue en 1969 au Camden Art Centre à Londres. C’est la preuve que l’importance du travail de recherche et d’observation minutieux sur l’histoire des expositions d’artistes noirs en Grande-Bretagne effectué par Chambers n’est nullement surestimée.
De même, cet engagement envers l’histoire est une raison d’inscrire cette nouvelle phase dans l’existence des Black Cultural Archives. L’espace se situe désormais sur Windrush Square, à Brixton, dans un quartier de Londres qui a été l’épicentre des migrations africaine et caribéenne vers la Grande-Bretagne tout au long du XXe siècle et dans le XXIe siècle, ainsi que le théâtre et le décor de nombre d’événements qui ont façonné son histoire. Dans une conversation avec Kimberley Keith, curatrice aux BCA, j’ai été frappée par un sentiment qu’elle a exprimé, faisant écho de près aux propos de Chambers. Narrant l’histoire des BCA, Keith a remarqué son passage de la « protestation au progrès », lorsque l’organisation a émergé des protestations et des réactions au soulèvement de Brixton de 1981 et a progressé vers une professionnalisation, devenant à la fois un centre d’archives et de patrimoine. Dans les deux cas, la narration de l’histoire (de l’art) des Noirs britanniques se caractérise par des épisodes de dissensions et de progrès.
Les archives offrent une ressource puissante aux artistes, historiens de l’art et curateurs en tant que témoignages de notre histoire, de l’histoire d’artistes des anciennes colonies britanniques – les Caraïbes, l’Afrique, l’Asie du Sud – et des générations suivantes d’artistes noirs britanniques. Imaginez mon enthousiasme à la découverte aux BCA d’une brochure originale d’une exposition d’artistes caribéens en Angleterre à la Commonwealth Art Gallery, du vendredi 22 janvier au dimanche 14 février 1971, incluant une liste de 16 artistes exposant, dont Winston Branch, Donald Locke, Ronald Moody et Aubrey Williams, et comportant des illustrations en noir et blanc de leur travail. Choisie par Chambers afin de présenter aux artistes caribéens une perspective très en vue d’exposer à Londres, la connaissance de cette histoire des expositions est essentielle pour influer sur notre perception d’un monde de l’art de plus en plus global et sur la place des artistes noirs britanniques en son sein (Chambers 2014, p. 56). Les Black Cultural Archives ont le potentiel nécessaire pour occuper une place centrale dans l’histoire de l’art en Grande-Bretagne, à condition qu’elles développent des stratégies d’acquisition témoignant de la grande valeur des contributions des artistes noirs britanniques et continuent à rassembler des documents clés. Car ce n’est qu’en sachant à quel stade nous sommes arrivés que nous pouvons comprendre s’il y a réellement eu progrès. Vive le progrès !
Hansi Momodu-Gordon est curatrice, auteure et productrice culturelle. Elle est assistante curatrice à la Tate Modern où elle travaille sur des expositions, dans des commissions et à la recherche de collections.
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