The theme of the third edition of the triennial Salon Urbain de Douala (December 3-10, 2013) was “Douala Métamorphoses.”
Parmi les festivals « d’art contemporain africain », le Salon Urbain de Douala (SUD) détonne. Porté par l’association camerounaise doual’art, son objectif n’est pas tant de mettre à l’honneur les artistes africains que de mettre l’art à l’honneur dans la vie des habitants de Douala. La troisième édition de cette triennale s’est déroulée du 3 au 10 décembre 2013 ; elle avait pour thème « Douala Métamorphoses ».
Routes et trottoirs défoncés, urbanisme chaotique, architecture qui oscille entre baraques en tôles et immeubles carrelés aux allures de piscine municipale… Douala, capitale économique du Cameroun, n’est pas le genre de villes sur lesquelles s’extasient les guides touristiques. Au mieux, on lui reconnaît une ambiance nocturne vibrante, au pire on l’évite soigneusement. Mais rares sont ceux qui prennent le temps de s’y balader.
Et pourtant… Si Douala est excessive, elle l’est pour le meilleur et pour le pire. Et les yeux qui savent chercher peuvent voir apparaître, au milieu d’un carrefour ou d’un quartier précaire, le long d’un trottoir ou au bord du fleuve, les œuvres d’art les plus conceptuelles. La ville en compte un peu plus d’une vingtaine, pratiquement toutes implantées par la même structure : doual’art.
Créé en 1991, ce mélange autodéfini de « centre d’art contemporain » et de « laboratoire de recherches urbaines » n’en finit pas d’imaginer et de réimaginer ce que pourrait être le Douala de demain : une capitale culturelle, un pôle de réflexion sur l’urbain, un lieu d’observation privilégié des pratiques artistiques… Pour ses fondateurs, Marilyn Douala Bell et Didier Schaub : « Si l’on ne cesse de se projeter ailleurs que dans sa propre ville, on laisse l’imaginaire de celle-ci dépérir. » Depuis des années, ils travaillent d’arrache-pied à faire vivre l’imaginaire de Douala, à la parer de nouvelles œuvres et de nouvelles visions, à la métamorphoser en somme.
« Douala Métamorphoses » est d’ailleurs le thème de la troisième édition du SUD – Salon Urbain de Douala –, une triennale organisée par doual’art depuis 2007. Ce festival d’arts visuels prend la ville de Douala à la fois comme objet d’étude et comme lieu de réalisation. Chaque artiste effectue une résidence préalable pour s’imprégner de l’atmosphère et imagine une œuvre (éphémère ou pérenne) qu’il inaugurera durant la semaine du festival. L’événement est donc l’aboutissement d’un long processus de réflexions, recherches et créations, mené sur trois ans.
Durant le SUD2007, les artistes ont pu décider de la thématique qu’ils voulaient aborder : secteur de l’informel, exploration moderne de traditions locales, histoire de la ville… En 2010, doual’art a préféré choisir un thème et a demandé aux artistes de travailler sur « L’eau et la Ville ». En 2013, à travers le vaste thème de la métamorphose, ce sont les propositions liées à l’architecture et à l’urbanisme qui intéressent tout particulièrement l’association.
Comme l’indique la présentation des rencontres et conférences Ars & Urbis qui se sont déroulées durant le festival : « La métamorphose est entendue comme une mue organique qui respecte l’esprit du lieu, mais peut en modifier la forme, la fonction ou la nature. La mutation doit s’opérer à travers un aménagement esthétique global : à la fois artistique, social et économique. Elle participe à l’invention d’une identité partagée par l’ensemble des citadins. »
Pour cette édition, doual’art se recentre et s’élargit à la fois : se recentre parce qu’elle se concentre sur quatre quartiers où elle est déjà beaucoup intervenue ces dernières années et parce qu’elle explore un thème au cœur de ses préoccupations depuis sa création ; s’élargit au sens où, au lieu de se contenter d’interventions artistiques isolées, elle travaille à l’échelle d’un quartier ou d’une zone, dans son ensemble et comme un tout.
À Bonamouti-Deïdo, le projet CAIRE (pour Collectif Artistique/Architectural d’Interventions Responsables et Éthiques), porté par Amandine Braud (France), Lucas Grandin (France) et Kamiel Verschuren (Pays-Bas) a permis à cinq artistes (Malala Andrialavidrazana (Madagascar), Aser Kash (RDC/Cameroun), Romuald Dikoumé (Cameroun), Léah Touitou (France) et Salifou Lindou (Cameroun) de travailler sur les façades de maisons du quartier et l’artiste colombien Juan Fernando Herran a introduit son Floating Quay.
À Bonanjo sera installé (encore en attente d’autorisation) un jardin de sculptures de cinq artistes camerounais (Hervé Yamguen, Kouo Eyango, Joseph-Francis Sumégné, Manuela Dikoumé, Justine Gaga) ainsi qu’un projet d’architecture expérimental nommé PUB (Pavillon Urbain de Bonanjo). Une série de portraits – Héros de la résistance camerounaise – a été réalisée par Hervé Youmbi, et le danseur congolais Faustin Linyekula a présenté sa chorégraphie Le Cargo.
À Bessengue-Akwa, le collectif d’architectes berlinois Raumlabor a démarré une aire de jeux pour enfants, Pascale Marthine Tayou a fait réaliser Madiba Square et le peintre camerounais Boris Nzebo a peint Têtes de Rêve sur les murs du salon de coiffure Thomas Fashion, autour duquel le collectif sud-africain Trinity Session a proposé la performance Artchat.
À Ndogpassi III, c’est surtout le Théâtre-Source de Philip Aguirre et Otegui qui a métamorphosé le quartier.
C’est sur le long terme que l’on pourra mesurer si le pari de la métamorphose de ces quatre quartiers a été tenu : si l’esprit de cohésion est plus fort, si de nouvelles activités parallèles aux travaux réalisés se sont développées, si le mouvement a pris de l’ampleur…
La troisième édition de la triennale SUD2013 s’est déroulée du 3 au 10 décembre 2013 ; elle avait pour thème « Douala Métamorphoses ».
Maud de la Chapelle est responsable du projet Sudplanète auprès de l’association Africultures. Elle est actuellement basée à Maputo, Mozambique.
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