This year was marked by measurable gains for contemporary art from African perspectives finds Sean O'Toole
Un jour après son enterrement dans la campagne de Qunu, une statue de neuf mètres représentant Nelson Mandela, le leader révolutionnaire et président de la libération, les bras tendus en signe de salut, a été inaugurée à Pretoria. Au cours des heures précédant la présentation par le président sud-africain Jacob Zuma de la statue figurant Mandela au grand public, l’œuvre était recouverte d’un tissu noir solennel. L’image, à la fois étrange et attachante pour sa ressemblance à un fantôme de bande dessinée, exprime en quelque sorte l’ambiance solennelle et anticipatoire qui accompagne chaque discussion relative à la place de l’art contemporain africain dans le monde.
Il suffit de dire, il a sa place – et cela a été le cas depuis plus longtemps que les médiateurs d’art ne veulent l’admettre. Cette année a été, comme les douze précédentes de ce siècle provisoirement optimiste, caractérisée par des avancées quantifiables, en particulier pour l’Afrique sub-saharienne. Fin mai, six Etats africains – l’Angola, l’Egypte, la Côte d’Ivoire, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe – ont présenté leur pavillon national lors de la Biennale 2013 de Venise. Certains étaient brillants, d’autres ont répété la blague « Combien d’éléphants peut-on faire rentrer dans une Mini ? », et l’un d’entre eux, le pavillon du Kenya, était tout simplement exécrable.
Pendant cet événement, l’Angola – nouveau venu – a furtivement réparti, à un étage richement décoré de l’historique Palais Cini, des piles de photos d’Edson Chagas et ainsi décroché le Lion d’Or du meilleur pavillon. La récompense a provoqué des files d’attente devant ce lieu d’exposition un peu excentré dont l’adresse était jusque-là aussi inconnue que celle de la Côte d’Ivoire et du Zimbabwe.
Venise reste un important baromètre de changement, peut-être plus encore que les grands salons d’art franchisés (et 1 :54, foire spécialisée pour les nouveaux venus organisée à Londres en octobre). Vous souvenez-vous de la Biennale de Venise en 2007 ? Dans le cadre de son projet de curateur, le directeur artistique Robert Storr avait octroyé de l’espace pour un « Pavillon africain ». Okwui Enwezor et Salah Hassan avaient rejeté le principe d’un appel d’offres ouvert destiné à l’organisation d’une exposition de groupe afin de remplir l’espace alloué. Leurs objections furent confrontées à des arguments contraires : ces grandes organisations étoufferaient la créativité et manipuleraient le flux commercial prétendaient certains.
Début décembre, il a été annoncé qu’Enwezor, poète plein d’avenir devenu éditeur qui s’est fait un nom en tant que directeur artistique de la deuxième Biennale de Johannesburg (1997) et dirige actuellement la Maison de l’art à Munich, sera à la tête de la prochaine édition de la Biennale de Venise en 2015. S’il arrive à allier l’urgence et la poésie de sa voix d’activiste des années 1990 avec l’acuité du savoir-faire qu’il a accumulé au début des années 2000 en organisant des expositions institutionnalisées, le public va se régaler. Mais le danger de voir sa Biennale fêter ses succès passés subsiste, à la manière de Germano Celant qui a fait une nouvelle mise en scène, ‘When Attitudes Become Form’ à la fondation Prada de Venise au début de cette année.
A la fois fascinante et solennelle (de la manière la plus protestante qui soit), cette section appréciée du programme principal de Venise a évoqué cette année qu’il était inévitable que l’attrait de grosses sommes d’argent ne se glisse dans les rituels de la Biennale. Ne soyons pas naïfs à ce niveau. Certes, Venise n’est pas un salon artistique mais l’argent – les dessous de table, le fric ou simplement l’argent qui enrichit les artistes – font irréversiblement partie de l’ADN de cet événement. En 1942, un bureau de ventes avait été ouvert pendant la Biennale pour aider les artistes à trouver des clients et à vendre leurs œuvres ; deux décennies plus tard, en 1968, une interdiction de vente d’objets d’art fut décrétée. Cela n’a pas empêché la Biennale de fonctionner comme un magasin d’articles de luxe – parfois au sens propre du terme et ce même pour des œuvres d’art africain contemporain.
En juin, en concertation avec Mark Coetzee, jadis artiste et ancien curateur de la collection de la famille Rubell, l’homme d’affaires allemand et collectionneur Jochen Zeitz a acheté l’installation de photos à la fois excentrique mais belle de Chagas qui a été présentée dans le Pavillon de l’Angola. Zeitz est un collectionneur insatiable. En 2011, une année avant qu’il ne quitte le conseil d’administration de Puma, la marque de sport qu’il mena au succès financier, Zeitz avait également acheté à Venise la sculpture d’une créature ailée faite de caoutchouc et de rubans par le sculpteur Nicholas Hlobo de Johannesburg.
Suivant le sillon de riches collectionneurs tels que le gérant d’actifs né au Bénin Lionel Zinsou qui a créé une fondation privée d’art et un musée à Cotonou en 2005, et de Piet Viljoen dont le modeste espace artistique New Church au Cap est le premier musée d’art contemporain privé en Afrique du Sud, Zeitz a fait don de sa récente collection à un nouveau musée d’art contemporain de 35 millions d’euros qui portera son nom. Le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) devrait ouvrir ses portes au Cap en 2016 et occupera un espace de 9.500 mètres carrés répartis sur les 9 étages d’un silo à grain historique. Le nouveau musée se concentrera pleinement sur l’art contemporain africain.
Alors qu’il devait en quelque sorte jouer le rôle d’un phare, l’emplacement du musée apporte nécessairement un éclairage et une réflexion sur le Cap. Le marché des vendeurs est stable même si certains imitateurs rivalisent entre eux pour surpasser la Stevenson Gallery. Mais en même temps, la AVA Gallery, l’une des plus anciennes galeries d’art non commerciales du Cap dont la longue histoire remonte à 1850, rencontre des difficultés. La mort lente des petits espaces indépendants tels que celui-ci s’est produite sans que personne ne le remarque.
Afin de signaler que je suis un partisan idéologique de ce qui est petit, vous trouverez ci-dessous ma liste complète et tout à fait partiale des choses qui ont vraiment compté à mes yeux en 2013 :
1. Le discours d’Achille Mbembe en hommage à son ami récemment décédé, l’artiste érudit Colin Richards, lors de la conférence Between the Lines, le 26 février 2013, à la Michaelis School of Fine Art, University of Cape Town.
2. La performance à vous donner le vertige d’Athi-Patra Ruga, vêtue d’une robe en ballons sur les dalles devant de la Basilique de Santa Maria Gloriosa dei Frari lors de la Biennale de Venise en juin.
3. La tournée de Jacqueline Karuti axée sur la performance et présentée dans divers bibliothèques privées et publiques de Nairobi en avril.
4. Teju Cole, lors de sa première visite en Afrique du Sud au mois de septembre en qualité de participant au festival annuel Open Book, quand il a dit à Kgomotso Matsunyane sur la scène du théâtre Fugard du Cap : « Le grand roman du Lagos, c’est la discographie collective de Fela Kuti. »
5. Le remaniement par Ruth Sacks de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, acte de recherche certes indirecte mais sérieuse sur l’état du modernisme européen et du colonialisme. Et ensuite le lancement en novembre de son livre qui fait aussi office de sculpture dans la bibliothèque Johannesburg City Library – présenté avec des œuvres de Francis Burger, Rangoato Hlasane, Raimi Gbadamosi, Jonah Sack et Bettina Malcomess entre autres.
Sean O’Toole est écrivain et co-éditeur de CityScapes, une revue critique sur les enquêtes urbaines. Il vit au Cap en Afrique du Sud.
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