C& s’intéresse régulièrement aux collections de livres abritant des publications rares. Cette fois, il est question de la Library of Africa and African Diaspora à Accra.
La Library Of Africa and The African Diaspora (LOATAD) [bibliothèque de l’Afrique et de la diaspora africaine] à Accra est le fruit du travail récent de la jeune écrivaine britannico-ghanéenne et entrepreneuse culturelle indépendante Sylvia Arthur. Elle a puisé dans le riche potentiel littéraire du continent africain afin de contribuer activement au processus de restitution des artefacts africains en proposant sa collection privée de livres rares et d’archives dans l’espace public ghanéen.
« Il est difficile d’obtenir des livres d’auteur·rices d’Afrique au Ghana ou sur le continent africain. Parmi les livres écrits par des personnes africaines que j’achète, 98 % proviennent du Royaume-Uni et des États-Unis, ce qui est ironique en soi. En effet, tous ces auteur·rices de l’ère postcoloniale et de l’après-indépendance n’existent pas sur le continent. Avec cette initiative privée, j’aimerais lier les questions de restitution au retour des artefacts littéraires en les faisant entrer dans le domaine public. »
Sylvia Arthur n’a pas attendu la « Year of Return » pour créer un espace de reconnexion entre le continent africain, ses diasporas internationales et le Ghana. Après avoir fait le tour des bouquineries en Europe et aux États-Unis pendant près de dix ans, elle a décidé de revenir au Ghana en 2017 avec ses acquisitions et de fonder une bibliothèque inspirée par la figure du bibliophile afro-américain Arthur Schomburg. Avec trois autres bibliothèques en dehors d’Accra, Sylvia Arthur espère ainsi toucher des territoires qui ne bénéficient pas d’un accès facile à ce type de livres en raison des constructions sociogéographiques du pays.
Panafricaine et décoloniale, LOATAD propose une collection de plus de 4 000 livres en langue anglaise couvrant les dix-neuvième, vingtième et vingt-et-unième siècles. Elle englobe quarante-quatre pays du continent, du Caire à Johannesburg, et s’étend aux Caraïbes ainsi qu’aux diasporas africaines en Europe et aux États-Unis. Elle accueille un éventail de genres littéraires allant de la fiction en passant par la non-fiction, la philosophie, la musique, la politique diasporique et la littérature afrocentrique. On y trouve également une riche collection pour les enfants, une petite section consacrée aux auteur·rices du Sud, des publications aujourd’hui épuisées, des archives, un espace d’exposition en construction et un lieu dédié à de futures résidences d’écriture, très attendues.
« C’est un choix délibéré de ne pas enfermer le lectorat dans un seul modèle d’histoire, mais de le faire voyager à travers le continent pour qu’il puisse s’identifier à d’autres récits que ceux de l’esclavage et du colonialisme. C’est une chose d’avoir une production culturelle, mais quel est l’intérêt de raconter toujours la même histoire ? »
Lyrics of Lowly Life du poète et écrivain afro-américain Paul Laurence Dunbar compte parmi les livres les plus anciens de la bibliothèque. Cette édition de 1901 est considérée comme l’un des premiers grands recueils de poésie noire importants de la littérature américaine. Cette compilation, publiée à l’origine en 1896, rassemble 105 poèmes écrits en anglais standard et aussi en anglais vernaculaire afro-américain.
Cette anthologie sud-africaine de 1964 consacrée à la prose africaine moderne a été compilée par l’écrivain Richard Rive et illustrée par Albert Adams. Il s’agit d’un des premiers volumes de la African Writers Series (série d’écrivains africains) de l’éditeur britannique Heinemann, qui a été lancée en 1962 et est par la suite devenue l’une des plus importantes séries littéraires destinées à commercialiser les auteur·rices d’Afrique sur le continent, proposant des textes que de nombreuses universités africaines ont intégrés pour lutter contre les préjugés coloniaux dans l’enseignement de la littérature.
African Stories from the Upper Volta: Tales of Mogho est un livre pour enfants écrit par l’écrivain et diplomate burkinabé Frédéric Guirma. Publié en 1971 par l’éditeur britannique Macmillan, il réunit huit contes populaires inspirés des traditions orales du peuple mossi d’Afrique de l’Ouest, racontés de mémoire par une personne originaire de Haute-Volta, accompagnés d’un glossaire de soixante-quatre mots.
Ce recueil de poésie de quarante-sept pages a été écrit en 1973 par l’auteur ghanéen Kofi Awoonor, lorsqu’il était enseignant aux États-Unis. Il y raconte son expérience et analyse les relations entre les personnes afro-américaines et africaines à travers le prisme de sa propre culture Ewe.
The Hidden Face of Eve, paru en 1980, est l’un des ouvrages les plus connus de la psychiatre égyptienne Nawal El Saadawi, qui a consacré sa vie à écrire sur les femmes au sein des sociétés patriarcales africaines et à dénoncer les pratiques misogynes en Égypte.
Serine Mekoun est une journaliste littéraire belge d’ascendance bénino-togolaise installée à Bruxelles. Née à la charnière des générations Y et Z, elle s’intéresse aux espaces de reconnexion, dans le constant va-et-vient entre la culture populaire et la haute culture, entre l’Europe et l’Afrique, et à tous les espaces dans lesquelles des futurs différents peuvent fleurir.
Traduite par Gauthier Lesturgie.
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