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La publication imprimée de C& et C&AL #12/4 : Écologies

Ce numéro commun à C& et C&AL invite des organisations, des artistes et des activistes de perspectives noires et autochtones à débattre, mettre en contexte et réfléchir au rapport entre les structures néocoloniales et la crise climatique dans leurs contextes locaux.

La publication imprimée de C& et C&AL #12/4 : Écologies

Que mon cœur s’épanouisse lorsqu’il cessera de pomper de l’encre rouge, qu’il lui pousse des épines

Que mon cœur s’épanouisse lorsqu’il cessera de pomper de l’encre rouge, qu’il lui pousse des petites épines et des fleurs jaunes, qu’on le peigne avec du nij* et y dessine des animaux et des oiseaux bicéphales.
Que mon cœur se fonde dans la Terre et repousse sous forme de pin, qu’il regarde à travers les yeux d’un hibou, qu’il marche sur les pattes d’un coyote, qu’il parle à travers l’aboiement du chien, qu’il se guérisse dans le quartz des caves, qu’il grandisse sur les bois d’un cerf.
Que mes cœurs soient attachés à un serpent de couleur pour qu’ils ne se trompent pas de maîtresse, pour les marquer d’un signe et pouvoir les retrouver sur le chemin qui mène d’ici à d’autres mondes.

 

Les mots de Rosa Chávez nous parlent, à nous, lecteurs et lectrices de ses beaux et puissants poèmes, d’une profonde reconnaissance qu’il nous faut apprendre à voir. De nos semblables – à l’échelle locale ou mondiale –, mais aussi bien au-delà de notre propre espèce. De l’interrelation entre tous les phénomènes naturels.

« Écologies » : Le premier numéro commun à C& et C&AL que vous tenez entre vos mains s’intéresse à la diversité des approches et des contextes de nos climats, sur les plans social et écologique. Elle invite des organisations, des artistes et des activistes de perspectives noires et autochtones à débattre, mettre en contexte et réfléchir au rapport qui existe entre les structures néocoloniales et la crise climatique dans leurs contextes locaux. Une sélection d’articles de fond, d’interviews, de poèmes et d’essais analysent, écoutent et questionnent : qui est autorisé à parler de cette crise qui affecte chaque vie sur cette planète ? Comment peut-on prendre soin de ce qui a été endommagé au point que la remise en état ou la réparation sont devenus impossibles ? Comment des connaissances ancestrales pourraient-elles nous aider à réimaginer et à transformer le monde dans lequel nous vivons ?

Les questions sur l’écologie posées dans ce numéro n’empruntent pas des voies rectilignes. Elles tournent en rond, avancent et reculent, montent et descendent. Nous utilisons cette métaphore géométrique car il est nécessaire d’approcher les écologies noires et autochtones sous différents angles. Rosa Chávez partage avec nous son lien avec la Terre par le biais de deux puissants poèmes rappelant les symboles K’iche’ qui représentent le corps et l’âme comme équivalents de la nature. Dans Decentering the I, Will Furtado fait remarquer que de nouvelles approches de l’écologie sont encore considérées comme inenvisageables en raison de l’influence prédominante de la culture narcissique blanche. Technologue en l’architecture, designeuse et enseignante, Mae-ling Lokko s’entretient avec Edna Bonhomme sur les moyens qu’ont les populations de repenser le rôle de l’écologie dans leur quotidien en redonnant une seconde vie aux déchets, en ayant recours au mycélium dans ce cas précis. Dans son œuvre Timescapes, l’artiste Ethel Tawe se remémore la poésie et les vies d’albums photo, en s’appuyant sur l’un de ceux réalisés par son père. Dans le texte introductif à son œuvre, elle écrit que « le changement et le caractère éphémère sont illustrés par les temporalités et les fréquences du toucher ».

Une interview d’Edgar Kanaykõ par Lorena Vicini et un essai sur la pratique d’Abel Rodríguez par Nathalia Lavigne soulignent l’importance qu’accordent les deux artistes à leurs racines autochtones pour expliquer que, dans leurs tribus, la hiérarchisation prend en compte les arbres, les animaux et les organismes vivants comme éléments à part entière du champ géopolitique. Dans le texte Flowers on the Expressway, V for 5 décrit son lien à la vie de la forêt de Kakamega. Au fil d’une réflexion intime, l’artiste en évoque l’importance dans l’histoire de Nairobi et la manière dont les plantes indigènes (tel l’arbre mugumo) incarnent la résistance et la culture ancestrale. À une période où les tensions sociétales et politiques se sont accrues en Haïti, Kolektif 2 Dimansyonmontre à Serine ahefa Mekoun dans quelle mesure la photographie en Haïti peut imprégner des actions collectives qui apportent leur soutien à des populations vulnérables. Ama Josephine Budge plaide contre l’intégration de l’utilisation purement esthétique des corps noirs dans les campagnes pour le climat et pour la résistance au colonialisme climatique à travers une Blackness trans-temporelle et d’envergure.

Dans le cadre d’une visite d’atelier avec le collectif Tiempo de Zafra, Yina Jiménez Suriel réfléchit à la façon dont son travail à partir de déchets textiles et excédentaires imagine des espaces de possibles bouleversant la dynamique capitaliste tout en générant des contenus visuels. L’œuvre de Sonia Elizabeth Barrett Sky (2020) critique la notion de Blackness dans l’esthétique et l’utilisation à mauvais escient de terminologies à des fins écologiques. Une conversation entre Ann Mbuti et les artistes Imani Jacqueline Brown et Zayaan Khan soulève les questions de la vie sur des terres marquées par l’interpénétration de la violence raciale et coloniale. Comment extraire la richesse et la connaissance du sol sans verser dans l’exploitation ? Il en ressort que ce sont les histoires que nous narrons qui ont fondé notre monde.

 

L’équipe éditoriale

 

Lire l’intégralité du numéro ici.

 

*(K’iche’) Teinture naturelle faite à partir d’insectes de couleur orange (llaveia axin) portant le même nom.

 

Traduit par Myriam Ochoa-Suel.

 

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