The opening of 'Authentic/Ex-centric: Africa In and Out of Africa' at the 49th Venice Biennale in 2001 marked a vital moment in the history of exhibitions of African art. Curated by Olu Oguibe and Sallah Hassan, ...
L’exposition « Authentic/Ex-centric: Africa In and Out of Africa » à la 49e Biennale de Venise en 2001 fut un moment capital dans l’histoire des expositions consacrées à l’art africain. Placée sous le commissariat de Olu Oguibe et Sallah Hassan, elle rendait désormais incontournable la présence d’artistes africains tant au cœur d’une Biennale de Venise jusqu’alors majoritairement occidentale, que de celui du discours tout aussi exclusif sur la pratique artistique conceptuelle et postmoderne.
Dans leur déclaration conjointe accompagnant le catalogue, les curateurs Oguibe et Hassan voyaient dans l’événement « une intervention dans les schémas du discours relatif à la culture contemporaine, une reprise d’éléments qui auraient sans elle vraisemblablement été laissés de côté, tout comme la tentative d’assumer la responsabilité du récit de sa propre histoire. »[1]
Les textes critiques rassemblés dans le catalogue mettent en lumière l’émergence d’une pratique conceptuelle en Afrique durant la décennie post-indépendante des années 70. Au Soudan, Muhammad Shaddad engageait dès 1971 un travail conceptuel qui critiquait la génération antérieure d’artistes soudanais, questionnait la valeur de l’objet d’art et réclamait du public qu’il y participe. Shaddad fut le co-fondateur du Crystalist Group » et coauteur du manifeste décrivant l’univers comme un cube de cristal au sein duquel les « êtres humains sont prisonniers d’une absurde destinée. »[2]
On raconte que lors de l’exposition fondatrice du « Crystalist Group » en 1978, Shaddad exposa un amoncellement de glaçons en train de fondre, entourés de sacs en plastique transparents remplis d’eau colorée.[3] Le recours à de telles matières mêle les préoccupations esthétiques à celles d’ordre conceptuel, Shaddad postulant que l’œuvre d’art englobe bien plus que la simple somme de ses constituants.
L’histoire de l’art conceptuel en et hors d’Afrique est encore un terrain productif pour les artistes dont les préoccupations demeurent orientées sur les notions d’identité, de sexe et de statut social. La Biennale de 2001, et plus particulièrement « Authentic/Ex-centric: Africa In and Out of Africa », ont jeté les fondements sur lesquels les artistes d’aujourd’hui sont capables de poursuivre l’élaboration de leur narration et d’affirmer leur position au sein de l’histoire de la pratique conceptuelle. En présentant les travaux de sept artistes d’Afrique et de sa diaspora, l’exposition donnait une extrême visibilité à l’existence d’un échange constant entre l’Afrique et l’Occident, incarné en partie par la présence accrue d’artistes qui, vivant et travaillant en Europe, aux États-Unis et en Occident, bénéficient de perspectives multiples. Des œuvres de Willem Boshoff, Maria Magdalena Campos-Pons, Godfried Donkor, Rachid Koraïchi, Berni Searle, Zineb Sedira et Yinka Shonibare furent retenues comme étant « les exemples les plus récents du projet conceptuel dans l’art africain contemporain »[4] , et en 2001, l’absence totale ou presque d’artistes africains sur la scène de l’art international illustrait clairement le besoin d’une telle « insertion ». L’histoire du discours conceptuel africain dont ces artistes poursuivent l’écriture, et qui est validée par la présence à la Biennale de Venise, mérite d’être examinée plus avant puisque, en Afrique et hors de l’Afrique, des artistes poursuivent la pratique de l’art conceptuel sous forme de performances, installations, photographies, art vidéo et sculpture.
L’examen plus particulier du travail de Berni Searle permet de s’engager sur l’une des nombreuses pistes menant à la découverte de l’art conceptuel africain présenté par « Authentic/Ex-centric ». En impliquant son propre corps nu dans la série « Colour Me » (« coloriez moi »), 1998-2000, l’artiste sud-africaine Berni Searle donne une place centrale au corps féminin africain et met en même temps en question les hiérarchies de couleurs de peau dans la société sud-africaine en recouvrant superficiellement des parties de son corps de plusieurs couches d’épices colorés. En associant des matières telles que les épices, la peau et le corps avec des couleurs chargées de sens comme le rouge, le blanc, le brun et le jaune, l’artiste évoque l’histoire coloniale et le mélange des traditions provoqué par la Compagnie des Indes orientales, tout comme la séparation des gens selon la couleur de la peau imposée par le régime de l’apartheid. En dirigeant son regard vers le spectateur, Searle nous confronte, sans s’en excuser, à une image qui parle de commerce, de sexualité et de conflit. Cette focalisation sur le corps, son introduction dans l’œuvre en tant que sujet et/ou matière, sont restées un moyen efficace pour les artistes travaillant sur la problématique de l’image de la post-colonisation du corps féminin.
La série d’installations en cours « Contained Measures » de Otobong Nkanga peut être perçue comme la continuation de l’art conceptuel africain de Shaddad et Searle, cette artiste se penchant sur le caractère éphémère de termes apparemment arrêtés tels qu’« identité ». Dans « Contained Measures of Shifting (2012) », Nkanga converse des heures durant avec son public pendant qu’autour d’elle, les structures se transforment tout au long de la performance: glace qui fond, feutre, encre, vapeur et glycérine. Des artistes tels que Ato Malinda, Jelili Atiku, Nathalie Mba Bikoro et le collectif Ingrid Mawangi et Robert Hutter, pour ne citer qu’eux parmi de nombreux autres, ont chacun développé une pratique conceptuelle qui demeure l’écho du vécu contemporain africain et dans laquelle la présence ou l’image du corps de l’artiste occupe souvent une place centrale.
Loren Hansi Momodu est assistant commissaire d’exposition à la Tate Modern de Londres. Parmi les expositions et événements live récents : « Word. Sound. Power. », « Ellen Gallagher: AxME », « Across the board », « Art in Action » et « Damien Hirst ».
1 Salah Hassan, Olu Oguibe (éd.). « Authentic/ Ex-centric: Conceptualism in Contemporary African Art, » Forum for African Arts, 2002, p 8
2 ibid, p.18
3 ibid, p.18
4 ibid, p.19
More Editorial