La 10e édition des Rencontres de Bamako – Biennale africaine de la photographie présentée à Arles
Le 11 juillet 2015, dans la cour Fanton, à Arles, se tenait la conférence de présentation de la 10e édition des Rencontres de Bamako – Biennale africaine de la photographie. La discussion était assurée par Anne Tallineau, directrice générale déléguée de l’Institut français, Samuel Sidibé, délégué général des Rencontres, et Yves Chatap, commissaire associé.
Le temps conté
La dernière édition de cet événement consacré à la photographie et à la vidéo s’était tenue en 2011 et depuis, en raison de la situation politique au Mali, un silence complet régnait quant au devenir de l’événement. Si à l’heure actuelle le calme semble se maintenir – au moins dans la capitale malienne –, on pouvait toutefois sentir dans l’assemblée un peu d’inquiétude. Les organisateurs on donc tenu à rassurer le public présent et réaffirmer l’importance de la reprise des Rencontres.
La régularité de ce type de manifestation reste en effet l’une des meilleures façons d’ancrer dans la durée ces moments qui ailleurs sur le continent ont parfois du mal à se maintenir. On songe ici à l’expérience de la Biennale de Johannesburg (1997) et à celle du Bénin (2012) qui ont été suspendues après leurs deuxièmes éditions. Par ailleurs, il semble évident aux autorités politiques françaises et maliennes – coorganisateurs de la biennale – que poursuivre l’aventure de Bamako reste la meilleure expression d’une volonté de résistance face à la menace des extrémistes religieux. La biennale reste le résultat d’une coproduction entre l’Institut français, à travers son programme Afrique et Caraïbes en créations, et le ministère de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme du Mali. On observe cependant quelques changements dans l’organisation de la manifestation. Parmi ceux-ci, le plus flagrant est la nomination d’une directrice artistique anglophone, en la personne de la nigériane Bisi Silva laquelle, pour l’occasion, s’est entourée de deux commissaires associés : Antawan I. Byrd et Yves Chatap. Cette édition anniversaire est placée sous l’intitulé « Telling Time », conter le temps, qui pourrait aussi être entendu comme le temps de dire, ou de raconter. Ce thème renvoie, en effet, à l’idée du temps passé et souligne le souhait des organisateurs de faire le point par rapport aux éditions précédentes. Il est aussi sous-tendu par la question du récit. Une occasion d’évoquer cette période ou la biennale n’a pas pu se tenir. « Cette édition donnera lieu à une rétrospective sur les éditions passées. […] Les photographes seront invités à raconter l’Afrique non pas à travers une vision superficielle des choses mais dans une tentative d’aller, par l’image, dans la profondeur de la réalité de leurs temps », est-il précisé dans le dossier de presse des Rencontres.
Au programme
Le nombre de lieux dédiés aux expositions s’est un peu resserré. Ainsi, l’exposition panafricaine, placée sous le commissariat de Bisi Silva, sera présentée au Musée national du Mali. Les travaux de vingt-six photographes et treize vidéastes y seront présentés. Dans le Musée du district et au mémorial Modibo Keïta seront présentées des expositions monographiques autour des figures emblématiques que sont J. D. Okhai Ojeikere (1930-2014), William Kentridge (Afrique du Sud), Ayrson Heráclito (Brésil), ou encore Hrair Sarkassian (Arménie). Et toujours dans ces espaces, des expositions thématiques sur la représentation du corps en photographie, articulées autour du personnage du roman Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, sont placées sous le commissariat d’Yves Chatap. Dans l’espace de l’Institut français de Bamako, l’exposition « Koudjina en héritages », projet du photographe Philippe Guionie, rend hommage au photographe de la vie nocturne de la capitale nigérienne, Philippe Koudjina (1939-2014). Enfin, les organisateurs de l’événement ont tenu à repenser l’accès de la biennale au public malien. Pour se faire, outre les programmes éducatifs en place depuis deux éditions, divers projets spéciaux seront sollicités. Parmi ceux-ci, on peut d’ores et déjà mentionner : « 1384 Days Wide », un projet participatif qui sera exposé dans le parc du Musée national du Mali, présente par ordre chronologique des photographies prises entre le 16 janvier et le 30 octobre 2012. L’objectif est de rendre compte par l’image de la vie des Maliens durant ces jours de troubles qu’a connus le pays. Dans un autre registre le projet « Studio Mali » invite les studios photo de la ville de Bamako à exposer leurs archives dans les quartiers. Les habituelles tables-rondes et lectures de portfolios se tiendront comme d’habitude pendant la semaine professionnelle. Enfin, si l’on sait qu’une programmation OFF aura bien lieu, il circule peu d’informations sur son contenu.
Basé à Paris, Dagara Dakin est diplômé en histoire de l’art, auteur, critique et commissaire d’exposition indépendant.
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