EXHIBITION HISTORIES

Fault Lines: Contemporary African Art and Shifting Landscapes

Depuis 1990, la Biennale de Venise a présenté un nombre croissant d’œuvres d’artistes d’Afrique ou de la diaspora. En  2003, la directrice et fondatrice d’Iniva (Institute for International Visual Arts) Gilane Tawadros a organisé l’exposition «  Fault Lines: Contemporary African Art and Shifting Landscapes  » (Lignes de faille  : art contemporain africain et paysages mouvants). Yvette Mutumba jette un coup d’œil rétrospectif sur cet événement et nous fait part de son analyse

Zarina Bhimji, 'Memories Were Trapped Inside the Asphalt', 1998-2003, Transparency in light box 130 x 170 x 12.5 cm. © Zarina Bhimji.

Zarina Bhimji, 'Memories Were Trapped Inside the Asphalt', 1998-2003, Transparency in light box 130 x 170 x 12.5 cm. © Zarina Bhimji.

By Yvette Mutumba

« Dreams & Conflicts: the Dictatorship of the Viewer  » (Rêves et conflits: la dictature du spectateur) était le thème de la Biennale de Venise  2003. Le rêve et le conflit, le monde dans son intégralité en opposition à sa fragmentation politique et géographique, les tentatives nationales contre les conquêtes internationales: tels étaient les thèmes choisis par Francesco Bonami et qui devaient être traités lors de cette Biennale. Dans l’exposition «  Fault Lines: Contemporary African Art and Shifting Landscapes  », la curatrice Gilane Tawadros traitait du champ de la fragmentation politique et géographique sous l’angle de perspectives artistiques africaines.?En géologie, les «  Fault Lines  » – «  lignes de faille  » désignent les fissures ou les bords des plaques continentales. «  Elles peuvent être le signe d’un décalage majeur, voire même d’une catastrophe imminente, mais elles donnent aussi naissance à de nouveaux paysages  », explique la curatrice. La situation des artistes en Afrique et dans la diaspora est marquée par des failles et des transformations, mais également par la créativité qui en résulte. Ce sont les conséquences du colonialisme et du postcolonialisme, ainsi que de la globalisation et des migrations qui, d’après Tawadros, produisent des failles dans notre monde. Elle a sélectionné des artistes, lesquels «  suivent les lignes de faille d’une expérience actuelle, locale et globale  ». Les quatorze artistes invités s’interrogent sur ce thème au travers de médias les plus divers –  photographie, peinture, architecture, installations.

Ainsi, à l’aide de son appareil photo, Zarina Bhimji retrace le legs, les cicatrices et les traces du colonialisme qu’elle repère dans des objets, dans l’architecture, dans des paysages. Dans l’exposition «  Fault Lines  », elle montrait le travail Memories Were Trapped Inside (1998–2003). Une pièce apparemment abandonnée depuis longtemps témoigne doucement de l’existence d’une vie passée, de l’utilisation et de l’usure. Quatre chaussures sont accrochées à un mur sale. Une prise a été enlevée et révèle des câbles désormais inutiles.

Kader Attia avait transformé un distributeur automatique d’en-cas en une Machine à Rêves – Dream Machine (2002-2003). À la place de friandises, l’automate proposait des objets incarnant les rêves de ces jeunes Maghrébins qui vivent dans les banlieues françaises et aspirent à un certain standing et à la richesse. Alors que, dans cette œuvre, Attia focalisait sur les désirs et besoins attachés à un microcosme urbain, avec son installation « Temporal Distance (with a Criminal Intent) ». « You will find us in the best places… (1997) », Moshekwa Langa observait à distance l’entrelacs complexe des relations sociales nouées dans les structures urbaines. Bobines de fil, laine, bouteilles et voitures miniatures se faisaient le reflet des relations complexes et parfois déconcertantes entre le travail, la consommation, l’exploitation et la dépendance. ?Ces derniers ne sont que trois exemples d’artistes complexes qui englobent une période de cinquante ans et de trois générations.

«  Fault Lines  » présentait une image hétéroclite de la production artistique du continent africain et issue de la diaspora. L’exposition allait à l’encontre des conceptions simplistes de l’art contemporain «  authentique  » et «  africain  ». Elle constituait une subtile continuité de la présentation précédente d’art contemporain d’Afrique et de la diaspora à Venise: l’exposition organisée en 2001 par Salah Hassan et Olu Oguibe «  Authentic/Ex-centric: Conceptualism in Contemporary African Art  » (Authentique/Ex-centrique  : conceptualisme dans l’art contemporain africain). Celle-ci était une réflexion sur le débat autour de la revendication de l’authenticité et de l’exotisme qui constituent les critères de reconnaissance et de validation de l’art contemporain africain en dehors du continent.?Avec «  Fault Lines  », Gilane Tawadros présentait plusieurs facettes des modernes africains. L’exposition a ainsi contribué à renforcer l’idée de la complexité et de la multiplicité des évolutions de ces modernes, qui avaient été auparavant, et pour la première fois, réunis et analysés en 2001 dans l’exposition «  The Short Century – Independence and Liberation Movements in Africa 1945-1994  » (Le petit siècle – Indépendance et mouvements de libération en Afrique, 1945-1994) par Okwui Enwezor. En outre, «  Fault Lines  » avait contribué au débat sur la globalisation et la mixité transnationale de concepts esthétiques et artistiques. À un moment où l’art contemporain d’artistes d’Afrique et de la diaspora était encore plus marginalisé qu’aujourd’hui, cette exposition avait constitué une intervention majeure dans le contexte du marché de l’art occidental. Elle avait proposé une réflexion sur le (post)colonialisme, la patrie, l’étranger et l’appartenance du point de vue africain, tout en soulignant le droit à l’espace culturel. Pour toutes ces raisons, «  Fault Lines  » avait été un projet précurseur, ayant contribué de façon significative à défendre la production artistique du continent africain et de la diaspora, trop souvent jugée comme homogène.

 

Dr. Yvette Mutumba est la conservatrice chargée du département pour l’Afrique au Weltkulturen Museum, à Francfort-sur-le-Main et cofondatrice de C&.

 

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