Exhibition

Sentier: A l’ombre du panoptique.

espace d'art contemporain 14°N 61°W, Fort de France, Martinique
26 Mar 2016 - 07 May 2016

Sentier: A l’ombre du panoptique.

SENTIER, A l’ombre du panoptique, 2016, etchings, monotypes & stencils, 125 x 165 cm

En tant qu’individu, le réel apparaît à Sentier comme dominé par la fragmentation, par la dislocation, des processus toutefois indissociables pour lui des idées d’assemblage, d’entrelacement, et de relation.

C’est un constat que chacun peut faire. Le désastre est une force puissante présente dans tout l’univers macrocosmique dans toutes ses dimensions, et l’homme ne saurait bien sûr s’y soustraire, mais il y résiste par la création. La société est fragmentée en sujets, en individualités sur lesquels elle exerce toutes sortes de pouvoirs. À bien des égards, elle ressemble à une prison et plus précisément à un panoptique, cette forme singulière d’architecture carcérale conçue au XVIIIe siècle pour permettre une surveillance étroite de chaque détenu. Michel Foucault, interprète ce concept dans son ouvrage Surveiller et punir comme un paradigme de notre société qui isole les individus les uns des autres afin de mieux les contrôler. Nous avons tous pris conscience ces dernières années, grâce à ceux que l’on nomme aujourd’hui des lanceurs d’alerte, combien nous ne savons jamais qui nous regarde ou nous écoute. Il nous est même impossible de nous dissimuler dans la foule, car c’est individuellement que nous sommes observés par le biais de tous les appareils dont nous sommes équipés.

La pratique artistique est pour Sentier un champ de résistances. C’est pour lui une activité libre et ouverte, même si elle lui semble trop souvent encadrée, dévoyée, réduite à la production de marchandises. L’art est pour l’artiste une tentative de dépassement de ce désarroi, voire de cette révolte qui parfois l’envahit face à des phénomènes naturels catastrophiques, à l’écoute des discours officiels trop souvent falsificateurs, ou encore devant les injustices et la cruauté. En pratiquant, Sentier cherche à relier l’incontournable présence du désastre avec ce désir de composer, de structurer qui domine ses actes et ses pensées, il accompagne ce qui se forme et se disloque simultanément.

L’art peut perturber les catégories et les usages, mais il n’aura certainement jamais le pouvoir d’empêcher les destructions et les massacres, aussi puissantes que puissent être certaines œuvres. Comment la contemplation esthétique, l’émotion poétique pourraient-elles contrer la violence et la dévastation? Quand le pire surgit, quand les ravages anéantissent les êtres et les choses, quand les libertés individuelles sont bafouées, l’art n’a plus sa place, mais il ne disparaît pas pour autant.

Les œuvres présentées dans cette exposition sont des assemblages réalisés à l’aide de techniques très diverses. Ce sont des arrangements de formes hétéroclites, des agencements de fragments disparates, des rafistolages de restes et de ruines, des montages provisoires d’objets bricolés. Dans cette approche singulière, un assemblage n’est pas la création d’une structure unifiée, c’est plutôt une sorte de tâtonnement prudent jouant avec la complexité des désastres. L’ancien et le nouveau se mêlent dans les procédés et dans le propos artistique de Sentier. C’est ainsi que la photographie numérique rencontre la gravure taille-douce et le dessin ou encore que les résines de synthèse se combinent avec le plâtre et le bois. L’image et le volume se rejoignent entre eux également. Les photographies sont tirées à l’aide d’une imprimante à jet d’encre sur un papier habituellement réservé au dessin et à l’impression d’estampes, ce qui offre la possibilité de dessiner et de peindre directement sur les clichés.

Les assemblages d’images ou d’objets sont disposés dans l’espace d’exposition comme sur une scène de théâtre. Comme les éléments qui servent à structurer la scénographie d’un spectacle, ils ne sont pas destinés à garder une forme définitive. Ils sont démontables, c’est-à-dire que chaque pièce qui les compose peut être considérée comme une œuvre autonome. Les travaux sur papier sont fixés provisoirement sur les murs à l’aide de punaises ou de petits clous, alors que les volumes peuvent être posés à même le sol ou encore sur des supports de tailles et de matières variées qui participent du sens de la réalisation.

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