The Senegalese painter died on 19 July at the age of 67, leaving a legacy as a creative spirit overflowing with talent whose modesty was paired with a gift for depicting a unique vision of the universe.
Le 31 janvier 2012, lors de la rentrée solennelle des arts et des lettres, Souleymane Keita recevait, pour l’ensemble de son œuvre, le Grand Prix des mains du président de la République pour les Arts. « Il est le seul artiste à avoir été cité à l’unanimité par le jury », avait souligné à cette occasion Alioune Badiane, président du jury des arts.
Reconnaissance méritée pour un artiste que le grand public ne connaissait pas, parce qu’il avait choisi de travailler dans la plus grande discrétion, d’être un veilleur qui scrute les tumultes qui agitent sa société et son temps.
Mais dans le milieu des arts, l’homme jouissait de l’immense respect que lui conféraient son talent intrinsèque et sa capacité à traduire sur divers supports ses choix esthétiques et à incarner les valeurs d’un humanisme spirituel qu’il partageait avec son « maître à penser », Léopold Sédar Senghor.
Dans un travail essentiellement fondé sur l’abstrait, l’artiste usait de symboles pour dire ses rapports à la spiritualité, son expérience personnelle, sa conception de l’identité et son africanité. L’insulaire qu’il était – il est né le 17 avril 1947 à Gorée où il s’était très tôt familiarisé avec la pratique artistique – et son appartenance à l’ethnie mandingue qu’il revendiquait, ont forgé ce trait de caractère trempé avant tout dans une profonde connaissance de soi.
Souleymane Keita est considéré comme l’un des précurseurs de la création contemporaine au Sénégal. À l’École nationale des Beaux-Arts de Dakar, où il entre à l’âge de 13 ans, il travaille sous la direction d’un autre peintre, Iba Ndiaye (1928-2008). Et c’est en 1969 qu’il organise sa première exposition personnelle.
Deux ans après, il expose à Nouakchott, pour ensuite faire le tour du monde. En l’espace d’une vingtaine d’années (1972-1991), des galeries africaines, américaines, japonaises, mexicaines, françaises et canadiennes ont accueilli ses expositions.
L’artiste Keita – qui a été professeur de céramique et de peinture au Jamaïca Arts Center de New-York – peignait sous l’impulsion du jazz dont il était féru. Dans son approche picturale et son interrogation de la matière, il est resté fidèle à un art abstrait qui fait sens, même en travaillant sur différents supports.
Il nourrissait le rêve de créer, à une cinquantaine de kilomètres de Dakar, un espace culturel dans lequel il rassemblerait ses œuvres exposées dans des galeries à travers le monde. « Il est (…) venu le temps de mettre sur pied un espace culturel, entre quatre murs. J’ai plein d’œuvres d’art qui sont dans des galeries en France, aux États-Unis, je veux les rapatrier. C’est sur ça que je travaille », avait-il dit au cours de l’émission Culture en fête, diffusée le 21 avril 2012 sur la radio privée dakaroise Sud Fm.
Il avait son point de vue sur la biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art), rappelant le souhait des artistes sénégalais de voir la capitale sénégalaise devenir une plaque tournante pour le marché de l’art. Souleymane Keita mettait également en garde contre le risque de voir cette manifestation « récupérée par d’autres ».
Pour lui, il était « urgent de construire à Dakar un musée d’art contemporain », une infrastructure où pourraient être exposées des œuvres d’artistes comme Iba Ndiaye, Ousmane Faye, Seydou Barry ainsi que des monographies, de refonder l’École des Beaux-Arts et de développer un mécénat d’art.
L’une des dernières créations de Souleymane Keita représentait une série de sept œuvres interprétant le poème Femme noire de Léopold Sédar Senghor. L’occasion de revenir à deux de ses sources d’inspiration et de réaffirmer son adhésion à l’enracinement et l’ouverture que chantait le poète.
Aboubacar Demba Cissokho est un journaliste sénégalais spécialisé ”Arts et Culture”. Il travaille depuis 2001 à l’Agence de Presse sénégalaise (APS), à Dakar où il réside.
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