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Betye Saar : Cette majesté qu’elle tient entre ses mains

Betye Saar: The Majesty She Holds In Her Hands - Contemporary And

21 October 2019

Magazine C& Magazine

Words Nan Collymore

6 min de lecture

In the post-war period, many pioneering Black artists were largely neglected by the Western art world despite their significant contributions, and persevered regardless. In the last ten years Western institutions have been waking up to these artists’ legacies. They are finally curating first retrospectives – and of course the markets have followed suit. In this series we chart their careers, highlighting their artistic evolutions and motivations in relation to the world around them. Betye Saar politicized the female Black body in her assemblages and collages decades ago. And as part of the Black Arts Movement in the 1970s, Betye Saar negotiated limited perceptions of race and femininity. Two US exhibitions, one in New York, the other in Los Angeles, currently pay tribute her outstanding work.

Peut-être que la magie dont Betye Saar imprègne ses œuvres d’art vient d’une certaine majesté qu’elle tient entre ses mains. Elle déniche des merveilles dans les marchés aux puces, les bazars et les héritages, choisissant avec soin les objets qui possèdent le « mystère » approprié ou les bonnes proportions pour les inclure à ses assemblages et collages.

</a> Betye Saar, Supreme Quality, 1998. Mixed media on vintage washboard and tub, 37.5 x 22.25 x 20 in (95.2 x 56.5 x 50.8 cm), Courtesy of the artist and Roberts Projects, Los Angeles, California</figure>

Éminemment représentée à l'exposition Soul of a Nation: Art in the Age of Black Power 1963–1983 (2017–19) avec des œuvres telle que TheLiberationof AuntJemima de 1972 (également vue dans WACK! Art and the FeministRevolution (2007–08) dont Cornelia Butler était la commissaire), Saar connaît ce qu’on pourrait appeler son heure de gloire. TheLiberationof AuntJemima, en particulier, vient à point nommé avec tous les discours sur la violence des armes à feu aux USA ou la suffisance généralisée en matière de racisme, d’anti-immigration et du terrorisme américain. Aujourd’hui âgée de quatre-vingt-treize ans, Saar a vécu une longue partie de l’histoire de ces phénomènes, et plus encore. Son art a pris une courbe plus politique après l’assassinat de Martin Luther King en 1968 et ne l’a plus quittée depuis.

</a> Betye Saar, Sketchbook, 2009–2010, 2009–2010, Overall: 5 1/2 x 4 in.; Sheet: 5 x 3 1/2 in., Collection of Betye Saar, courtesy of the artist and Roberts Projects, Los Angeles, © Betye Saar, photo © Museum Associates/ LACMA</figure>

<span lang="FR">Le nom de l’exposition itinérante actuellement accueillie au Museum of Art du comté de Los Angeles, BetyeSaar: Calland Response, fait référence à une forme d’interaction courante en Afrique occidentale entre deux groupes qui prient ou qui chantent, lorsque l’un des groupes réagit directement à la voix de l’autre.</span> <span lang="FR">On la voit souvent dans les églises aux USA et les traditions populaires.</span> <span lang="FR">Ici, l’œuvre de Saar fait écho à ses carnets de croquis qui esquissent une idée ou un problème et appellent une vision explicative — qu’elle réalise toujours.</span> <span lang="FR">C’est la première fois que ses carnets sont exposés et il est très étonnant qu’on demande aussi rarement aux artistes de montrer ainsi leurs pensées.</span> <span lang="FR">Les carnets de croquis contiennent souvent la première réflexion sur une idée, ils évoquent parfois des appels téléphoniques, des conversations, des scènes, ou encore ils contiennent des échantillons de tissus.</span> <span lang="FR">Ils nous donnent un aperçu du processus, nous aident à former une vision plus claire de la manière dont les artistes créent.</span>

<span lang="EN-US"> </span><span lang="FR">L’installation de 1998 I’llBendButI WillNotBreak est explosive.</span><span lang="FR">La planche à repasser portant gravée la représentation tristement célèbre de la manière cruelle et impitoyable dont les Africains emmenés de force aux Amériques étaient entassés (d’après le navire Brookes en 1788), la chaîne de fer et le tissu de coton blanc fièrement étendu sur une corde constituent une effroyable proclamation imagée d’une Amérique qui n’a jamais apporté de réponse à la violence de son passé.</span> <span lang="FR">Dans le carnet de croquis de Saar associé à l’installation, on note une femme noire invisible qui aurait lavé le drap à la blancheur parfaite que son propriétaire aurait ensuite revêtu pour assister à sa réunion du Ku Klux Klan.</span>

</a> Betye Saar, A Loss of Innocence, 1998. Mixed media installation, 50 x 12 x 12 in (127.0 x 30.5 x 30.5 cm), Courtesy of the artist and Roberts Projects, Los Angeles, California</figure>

<span lang="FR">L’installation de la même année A Lossof Innocence nous fait endosser le rôle d’une jeune fille noire confrontée à des insultes racistes qu’on peut encore rencontrer aujourd’hui, peut-être sous d’autres formes — la condescendance, ou des présomptions de fortune, sinon de manque de fortune.</span> <span lang="FR">Saar a eu la brillante idée d’utiliser une robe de dentelle originale, peut-être une robe de baptême, qu’elle a brodée à la main d’expressions telles que « nigger baby » (« bébé nègre »), « coon » (« nègre ») et « tar baby » (« bébé de goudron », personnage d’un conte très connu aux USA).</span> <span lang="FR">De loin, la robe d’apparence distinguée est accrochée au plafond au-dessus d’une petite photo d’un enfant noir dans un cadre, elles jettent des ombres fantomatiques sur le mur derrière elles.</span> <span lang="FR">Ce sont ces moment, dans toute l’exposition, qui donnent envie de mordre son poing en pleurant, et de remercier les artistes comme Betye Saar pour avoir le courage de créer ces œuvres et de donner une voix à des sentiments qui sinon restent en nous, inexprimés pendant des dizaines d'années.</span>

</a> Betye Saar. Black Girl’s Window. 1969. Wooden window frame with paint, cut-and-pasted printed and painted papers, daguerreotype, lenticular print, and plastic figurine, 35 3/4 × 18 × 1 1/2″ (90.8 × 45.7 × 3.8 cm). The Museum of Modern Art, New York. Gift of Candace King Weir through The Modern Women’s Fund, and Committee on Painting and Sculpture Funds. © 2019 Betye Saar, courtesy the artist and Roberts Projects, Los Angeles. Digital Image © 2018 The Museum of Modern Art, New York, Photo by Rob Gerhardt</figure>

<span lang="FR">On pourra bientôt assister à d’autres moments comme celui-là à New York, au Museum of Modern Art qui accueillera d’autres œuvres de Betye Saar fin octobre.</span> <span lang="FR">The Legends of </span><span lang="FR">Black Girl’s Window</span><span lang="FR">, sous la direction de Christophe</span> <span lang="FR">Cherix</span><span lang="FR"> et </span><span lang="FR">Esther</span> <span lang="FR">Adler</span><span lang="FR">, est une exposition solo qui explore les liens les plus profonds entre l’assemblage autobiographique emblématique de l’artiste, Black Girl’s Window </span><span lang="FR">(1969)</span><span lang="FR">, </span><span lang="FR">et ses rares gravures des années 1960.</span><span lang="FR">Elle revisite, une cinquantaine d’années plus tard — à travers les premières gravures de Saar et une réponse à une vision de son jeune moi — une personnalité brouillonne, interrogatrice, rêveuse.</span> <span lang="FR">Je me demande ce qu’elle peut bien évoquer aujourd’hui, avec les manœuvres politiciennes à l’œuvre à la Maison blanche et les comptes rendus si rarement impartiaux de la presse.</span> <span lang="FR">Je me demande quelles songeries mystiques et aériennes la jeune Saar a bien pu assembler avec ses encres et ses minuscules croquis.</span>

Betye Saar:<span lang="FR"> Call and Response, Los Angeles County Museum of Art.</span> <span lang="FR">Du 22 septembre 2019 au 5 avril 2020.</span>

Betye Saar: The Legends of Black Girl’s Window<span lang="FR">, NY MoMA.</span> <span lang="FR">Du 21 octobre 2019 au 4 janvier 2020.</span>

<span lang="EN-US"> </span>

Nan Collymore écrit, programme des événements artistiques et fabrique des ornements en laiton à Berkeley, en Californie. Née à Londres, elle vit aux États-Unis depuis 2006.Ce texte a été initialement publié dans la seconde édition spéciale de C& #Detroit et a été commandé dans le cadre du projet « Show me your Shelves », financé par et faisant partie de la campagne d’une année « Wunderbar Together » (« Deutschlandjahr USA »/The Year of German-American Friendship) du ministère fédéral des Affaires étrangères.