Biennale de Lubumbashi

Le collectif Picha répond à la tribune de Gloria Mpanga

Nous publions ici la réponse des commissaires de la 7e Biennale de Lubumbashi à la critique de l’autrice publiée avant l’ouverture

Arsène Mpiana. Description: The Biennale crowd/partakers in front of the slag heap/terril of the former Gécamines mining site.

Arsène Mpiana. Description: The Biennale crowd/partakers in front of the slag heap/terril of the former Gécamines mining site.

By Picha Collective

Nous voudrions vous remercier d’avoir publié ce beau texte sur la Biennale. Toutefois, nous souhaitons préciser qu’il néglige ou déforme certains détails, notamment dans le passage suivant : « On peut être tenté de penser que l’un des problèmes majeurs de cette Biennale demeurera. Car élargir le panel des commissaires ne répond pas à l’épineuse question du caractère condescendant de cette Biennale qui, une fois de plus, va traiter des problèmes du Congo à travers les prismes de directeurs artistiques et curateurs non congolais, ou dont le rapport avec le Congo restera à démontrer. » Le principal commissaire de la Biennale est Picha, un collectif qui existe localement depuis plus de dix ans (ce qui n’est pas clair d’après cet article). Les commissaires associés – « dont le rapport avec le Congo restera à démontrer. », selon l’autrice – ont soit une longue histoire de travail au Congo ou dans les pays voisins avec des artistes congolais, soit une expertise des questions soulevées par Picha et le thème de la Biennale de cette année. N’oublions pas que Lubumbashi est située à l’extrémité sud du Congo, aux frontières mêmes d’un Congo créé et dessiné par les instances coloniales. La Zambie, l’Angola et l’Afrique du Sud étant souvent plus facilement accessibles que la capitale congolaise, et la langue dominante n’étant pas le lingala mais le swahili, Lubumbashi n’est pas seulement congolaise, mais fait également partie de nombreux systèmes de connaissances, de cultures et de commerce qui la dépassent, et échange donc des influences, des ressources, des langues et des connaissances avec sa région.

Les commissaires associés ne sont donc pas invités à tenter de définir le Congo, mais ajoutent plutôt chacun des propositions – allant de podcasts à des artistes et des ateliers – qui élargissent la thématique et les questions définies par Picha à leurs propres recherches, cultures et géographies. L’élément central est donc Lubumbashi et les Lushois, et non pas le Congo en tant qu’entité nationale (notez que le titre est Biennale de Lubumbashi, et non pas Biennale du Congo).

Leur relation à Lubumbashi est donc une relation de réverbération et d’écho, plutôt qu’une relation façonnée par une tentative de définir le Congo ou sa scène artistique. Prétendre que seuls des commissaires congolais seraient capables de le faire, c’est nier la complexité historique et contemporaine du Congo et sa place dans le monde (ce à quoi la dernière biennale, dont Sandrine Colard était la commissaire, a fait référence avec force). En tant que nœud central de la géographie du monde, mais aussi de son économie et de son imaginaire, il est – selon nous, au sein de Picha – d’une importance capitale de rendre visibles ces réverbérations, connexions et contrastes. Non pas sur la base de tropes extérieurs, mais d’un trope local qui imprègne la vie quotidienne et ses imaginaires à Lubumbashi : la toxicité.

De plus, ce qui est le plus important dans cette Biennale, c’est aussi la toxicité de ce « modèle de biennale » inflexible, dont les critiques supposent qu’il sert à « définir » un moment, une tendance ou une génération dans un pays. Basée sur le soin, l’action collective, l’échange de connaissances et les questions plutôt que sur des réponses, cette Biennale souhaite servir de moment de pratique collective, montrant comment Lubumbashi et ses artistes peuvent inspirer de nouvelles façons de penser, de subvertir et d’alchimiser le toxique. Dans cette pratique collective, les autres sont les bienvenus, tout comme les idées qu’ils peuvent apporter aux questions au cœur de cette édition. La condescendance serait donc plutôt de refuser au Congo, à Lubumbashi et à leurs artistes la porosité qui leur est propre, de les isoler du réseau mondial dont ils font si clairement partie et dans lequel ils peuvent puiser, éjecter et modifier tout ce qu’ils souhaitent.

 

Collectif Picha

 

Lisez la tribune de Gloria Mpanga ici.

 

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